Quelques heures avant d'investir la magnifique scène du Run Ar Puns (Châteaulin), Albin de la Simone nous rejoint pour une interview ensoleillée au doux chant des oiseaux. Rencontre avec un artiste attachant, auteur du remarquable album Bungalow!
Peux-tu revenir sur la composition et l'écriture de ton troisième et dernier album en date Bungalow ! Je crois savoir que tu es parti à Bali pour te mettre au vert...
Albin de la Simone : Je souhaitais partir dans un endroit agréable et dépaysant pour m'atteler à ce nouvel album. J'étais parti en vacances 15 jours à Bali et une fois là-bas, je me suis dit que c'était le bon endroit. Être à Bali pendant un mois, ça ne coûte pas tant que ça. J'ai donc loué un bungalow près d'une rizière et j'y ai passé un mois seul. J'écrivais les textes le matin et composais les musiques l'après-midi. Je cherchais un endroit calme où me poser, où m'isoler car je suis très vite déconcentré par l'environnement extérieur. J’ai besoin d'être isolé pour écrire, alors quitte à s'isoler, autant aller dans un endroit agréable. Cette expérience, c'est une première à 37 ans
L'album est plus léger que les deux précédents. Tu souhaitais un album plus musical, plus rythmé ?
Albin de la Simone : Oui, ce pourrait être l'album du plaisir. Dans les premiers, j'ai mis tout ce que j'avais à mettre. Là, j'étais plus relâché. L'album est moins introspectif que les précédents .En deux albums, j'avais traité les thèmes un peu lourds que je souhaitais évoquer. Donc voilà, Bungalow ! est un album peut-être plus léger. L'album du plaisir. Je vais vivre deux ou trois ans avec cet album, alors autant partir du plaisir.
Du coup, ce sont les ambiances musicales qui ont amené les textes ?
Albin de la Simone : Non. En fait, moi je n’arrive pas du tout à écrire les musiques en premier et après écrire les textes. J’écris toujours les textes en premier et c’est eux qui me donnent des infos sur la musique. En fait, certains types de textes donnent tout de suite une idée du tempo, de la manière dont ils doivent être récités, de leur découpe, de la taille des couplets, de la taille des refrains... Donc je pars toujours de là. Peut-être que je suis trop musicien, je n’ai pas de raison de faire de la musique, il y en a tout le temps. Ça, ça me cadre. Je suis un musicien professionnel mais je ne suis pas du tout un auteur professionnel. Alors je commence par ce qui est le plus difficile pour moi, à savoir le texte et après le musicien trouve du travail.
On retrouve des choeurs très originaux sur huit des onze morceaux de l'album. Tu les a fait toi-même à Bali, compensant l'absence de choristes en modifiant ta voix et en lui donnant beaucoup de féminité. Tu as gardé ces gimmicks pour l'album.
Albin de la Simone : Ouais, c’est ça. Dans mon bungalow, il n’y avait pas de choristes et j’avais vraiment envie de voix de filles, de voix assez aiguës, assez typées comme on n’entend pas à Bali. En tout cas pas forcément... Donc j’ai bricolé avec l’ordinateur en trafiquant ma voix. En rentrant à Paris je me suis rendu compte que j’en avais mis partout et que ce serait une erreur colossale de les refaire par des vraies choristes. En effet, ça fait partie des petits détails, des petits trucs à moitié ratés mais qui deviennent au contraire très réussis à mon goût. C’est comme une énorme erreur qu’on déciderait d’assumer complètement comme une qualité. Et voilà. Après s’est posée la question de la scène...
Justement, j'allais y venir.
Albin de la Simone : Du coup sur scène les sons sont déclenchés avec un sampler, mais je ne peux pas supporter d’entendre des sons qu’on ne voit pas. Donc, on les voir car il y a Rose et Barbara Barnes qui sont deux sublimes marionnettes qui remplissent ce rôle-là. Elles sont un peu comme des clodettes, des petites femmes d’un mètre de haut.
Je comprends mieux maintenant. Ton site Internet mentionne en effet Rose et Barbara Barnes comme choristes.
Albin de la Simone :. Tu as vu ça ?
Tu as donc souhaité développer un fil conducteur pour les concerts. Tu as travaillé sur une mise en scène particulière ?
Albin de la Simone : Oui parce que les gens qui prennent une baby-sitter, qui dépensent le billet d'entrée, qui viennent, qui garent leur bagnole et tout..., je me dis que je n’ai pas du tout envie de juste leur faire écouter de la musique. J’ai envie de leur donner une raison physique d’être là, car moi aussi je viens de loin. J’ai vraiment envie qu’il y ait plus d’une raison d'être là et des raisons visuelles, physiques, sonores... Voilà, ça me semble la moindre des choses. Et puis, j’ai surtout envie de me marrer, que le public se marre, enfin pas que rigoler, mais de ressentir beaucoup de choses différentes. Donc étant donné qu’on est là physiquement, il faut en profiter et développer ça. Voilà, c’est nouveau dans ma vie mais ça me semble évident qu’un spectacle est un spectacle.
Tu n'es pas tout seul sur scène. Peux-tu nous présenter tes camardes dont certains, je crois, t'ont accompagné sur le disque ?
Albin de la Simone : Ah ouais et puis certains m’accompagnent à d’autres endroits. François Lasserre qui est le guitariste, était l’un des deux guitaristes avec lesquels on accompagnait Vanessa Paradis sur la tournée d’automne et qui sera sur la tournée d’été aussi. On vient aux Vieilles Charrues d’ailleurs. Avec lui on fait des tas de choses différentes
Il y a Pascal Colomb qui est bassiste et qui avant était guitariste avec moi, mais qui joue aussi du piano, il est photographe, arrangeur, réalisateur... Bref une ordure (rires).
Et Raphaël Chassin qui est batteur, qui joue de pas mal de percus aussi, qui lui n’était pas sur mon disque mais je le connais bien puisque on a joué ensemble avec Salif Keita en 1999. On avait fait une tournée mondiale, lui a joué un peu plus longtemps avec Salif que moi. On s’était perdu de vue et on s’est retrouvé sur cette tournée. Et c’est lui qui déclenche les samples des chœurs et qui en plus joue de beaucoup de percus et amène un truc…
Métissé ?
Albin de la Simone : Ouais, ça fait beaucoup de bien. Et puis c’est un vrai groover, vraiment. Le concert est assez énergique en fait. Je prend tout le côté le plus énergique de ce que je fais, quitte à rendre énergique certaines chansons qui ne l’étaient pas.
Du coup, tu as réarrangé les chansons de tes deux premiers albums ?
Albin de la Simone : Ouais, pour que tout fouette un peu plus.
Avec ce côté pop sucrée du dernier album ?
Albin de la Simone : Moi j’aurais du mal à donner des qualificatifs comme ça…
On ressent une sensation de bien-être à l’écoute de l’album surtout en cette période un peu grise. Je trouve que c'est un disque à la fois frais et ensoleillé.
Albin de la Simone : Ah super, ça me fait très plaisir. Quitte à diviser beaucoup, je me suis dit que je ne voulais pas servir deux propos différents. Sur les autres disques, ça montait très haut dans le plaisir et très bas dans la dépression et j’ai eu envie d’un disque qui n'aille que d’un côté. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas de propos noirs, mais vraiment là ce n’était que plaisir, bien-être, éventuellement profondeur mais toujours en espérant que ce soit agréable. Et c’est vrai que je n’écoute pas beaucoup de choses plombantes en ce moment. Je ne sais pas, je trouve que la vie est déjà assez…
Justement tu écoutes quoi en ce moment ?
Albin de la Simone : Alors qu’est-ce que j’écoute en ce moment ? En ce moment, j’écoute très souvent, je suis un peu en retard, une nana qui s’appelle Madeleine Peyroux. C’est du jazz, vraiment c’est une chanteuse de jazz. C’est hyper beau je trouve. J’ai découvert son album Careless love qui n’est pas son dernier, le dernier je ne l’aime pas trop. Là, c’est son avant-dernier. J’écoute aussi beaucoup de Ennio Morricone, j’écoute un peu de classique. J’ai écouté beaucoup l’album de The Do. Je l’ai eu un peu en avance parce que je suis dans le même label, donc j’avais un peu triché. Je l'ai vraiment beaucoup écouté, maintenant j’ai arrêté un peu. J’aime bien aussi le dernier album de Camille Bazbaz, je l'ai écouté pas mal.
Il a un côté très groove.
Albin de la Simone : Ouais très reggae. Il a un truc super agréable, je trouve. J’aime bien. C’est de la chanson qui ne se prend pas le chou. Il n’est pas prétentieux dans sa démarche. Mais après il y a des gens beaucoup plus sérieux, beaucoup plus sombres, genre Dominique A, que j’aime vachement, qui sont dans un propos vachement plus grave. Sans trop de déconnade quoi, dans la musique en tout cas,et que je peux vraiment aimer. Mais là je m’oriente plus vers des choses plutôt agréables en ce moment.
Tu évoquais tout à l'heure ton label. Pour Bungalow ! tu as changé, tu es chez Cinq 7 maintenant, le label d'Alan Gac.
Albin de la Simone : Ouais, je suis ravi. Il y a aussi Dominique A, The Do, Damien Saez qui est un peu différent quand même et qui sort son dernier album avec Cinq 7. Il y a les Vedettes aussi…
Les protégées de Katerine
Albin de la Simone : Voilà. Alan le directeur du label est aussi le manager de Katerine.
Alan Gac qui avait créé dans les années 1990 le label Rosebud.
Albin de la Simone : Ouais, c’est lui qui avait crée ce label pour Katerine. C’était le plus jeune label de France. Alan avait 18 ans quand il a monté ça. C’est quelqu’un de pas très loin de chez vous, je crois ?
En effet, il est Rennais. D’ailleurs en parlant de label, on t’assimile souvent à Tôt ou Tard.
Albin de la Simone : Ouais, c’est vrai.
Pourtant tu n’as jamais été chez Tôt ou Tard.
Albin de la Simone : Je n’ai jamais été chez Tôt ou Tard mais on m’a beaucoup dit que j’avais de la chance d’être chez Tôt ou Tard.
Il est vrai qu'on te retrouve souvent avec des artistes de ce label.
Albin de la Simone : J’ai beaucoup joué sur des disques d’artistes de Tôt ou Tard. Et puis, c’est des copains. Jeanne Cherhal, Vincent Delerm, Mathieu Boogaerts, JP Nataf, Bastien Lallemant - je parle de gens qui sont chez Tôt ou Tard ou qui y ont été puisque certains n’y sont plus - sont des vrais amis, vraiment. C’est-à-dire des amis avec qui je peux aller en vacances, organiser des dîners, tout ça... Ce n’est pas des relations de travail, c’est des vrais amis. Mathieu Boogarts a été le premier de cette bande que j’ai connu.
Vous vous retrouviez il y a quelques années pour la fête de la musique.
Albin de la Simone : On avait fait des trucs dingues à la Maroquinerie à Paris. C’était à moitié par surprise, on était une quinzaine à jouer tous ensemble, à tout mélanger. Ça n’était bien que pour ceux qui étaient dans la salle, après, enregistré ou filmé c’était un désastre, tellement on faisait ça à l’arrache. Mais c’était très spontané et très « fête de la musique ».
Avec un côté bœuf…
Albin de la Simone : Très bœuf ouais. Et puis il n’y pas de raison qu’on ne fasse pas le bœuf, tout le monde fait le bœuf la rue, donc nous aussi. C’était drôle parce qu’il y avait très peu de place, donc c’était très vite plein et il y avait une ambiance surchauffée. On se marrait bien. Mais là on ne l’a pas refait. La troisième fois, je me disais : « oh la, c’est un peu réchauffé quand même ! ». Il commençait à y avoir des gens qu’on connaissait un peu moins bien. Il y avait Cali qui était là. On le connaît mais ce n’était pas exactement la même bande. Il y avait Mathieu Chédid et Louis Chédid qui étaient venus aussi. C’était super mais ça commençait à s’ouvrir sur un truc qui devenait un peu…
Disons que ce n’était pas les mêmes bandes. Moi, je suis très très potes avec Mathieu Chédid, mais c’était une autre bande. Et ça commençait à se croiser, à devenir un petit peu trop attendu, trop normal donc on a arrêté. Là ça va faire deux ans qu’on ne le fait pas mais je pense qu’un jour on le refera. En fait si on avait continué, il aurait fallu qu’on passe dans une plus grosse salle et ça devenait trop institutionnel.
Vous auriez perdu l’esprit "fête de la musique" .
Albin de la Simone : Voilà, donc là on l’a fait trois fois et un jour on le refera. ça sera peut-être ici, au Run Ar Puns, par surprise.
Tu es également musicien pour d’autres artistes. Jouer pour les autres et mener une carrière solo, c'est le bon équilibre pour toi ?
Albin de la Simone : Il y a des périodes où j’arrête complètement d’accompagner des gens parce que j’ai envie d’écrire ou de réfléchir. Il y a des périodes où je ne tourne pas avec des chanteurs parce que je suis en tournée moi-même. Mais je peux toujours enregistrer des disques.
Oui, car tu accompagnes d'autres chanteurs sur scène et en studio.
Albin de la Simone : Oui. En studio, ça dure toujours… Là, il y a le prochain album de Maxime Le Forestier sur lequel je suis allé jouer un orgue, sur une chanson seulement. Il y a le prochain album d’Arthur H sur lequel j’ai joué aussi. Donc ça, c’est toujours un truc que j’aime vachement faire, puis tant qu’on me le demande je suis ravi, j’adore ça. Tant que je peux faire plaisir à des chanteurs en jouant sur leur disque, ça me va très bien. Et puis, c’est un truc qui m’équilibre vachement. Moi je ne peux pas m’imaginer faire seulement douze chansons par an ou tous les deux ans. J’ai besoin de jouer plus que ça, j’ai besoin d’inventer plus.
En conclusion. Le titre "J'ai changé" présent sur l'album Je vais changer semble toujours d'actualité ?
Albin de la Simone : Ouais, c’est vrai. Mais c’est une vraie préoccupation. Ça, c’est dans ma vie personnelle. Je passe mon temps à essayer de changer des trucs pour voir si ça ne peut pas être mieux autrement. Genre…On s’en fout, mais je ne mange pas de produits laitiers en ce moment, j’essaie le soja pour voir... Si ça se trouve je vais être en super forme. Donc tu vois, j’essaie tout le temps. J’ai arrêté de fumer, c’était tellement incroyable dans ma vie, du coup je continue à changer des trucs. Changer de coiffeur… Et ça continue à m’exciter et à me rendre la vie très intéressante. Voilà, il suffit de ça pour moi, de remettre en question toujours plein de choses et c’est très intéressant.
Merci Albin de la Simone.
Albin de la Simone : Merci à toi. Il faut que je t’apprenne à prononcer le nom de cet album. Ce n’est pas Bungalow mais Bungalow ! avec un point d’exclamation.
S’ensuit un exercice de prononciation…
Un grand merci à Albin de la Simone pour sa disponibilité et sa gentillesse.
Un merci spécial à toute l'équipe du Run Ar Puns, magnifique salle qui fête ses 30 ans et qui se tourne déjà vers les 30 prochains. |