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Les Jours Sauvages  (Atmospheriques)  juin 2008

Avouons-le d’emblée : nous en sommes venus à écouter ce disque de Joseph D’Anvers pour de mauvaises raisons, qui expliqueront sans doute la tonalité désabusée perceptible, ici et là, dans notre chronique.

L’univers d’un artiste ne doit pas s’envisager comme un lot de consolation ; et l’on ne devrait pas s’y plonger par dépit, en espérant retrouver "par procuration" ce que l’on a aimé chez d’autres personnes qui lui sont (ou ont été) associées.

Première méprise : attiré par sa belle reprise de "Surestimé" et intrigué par les rapprochements que la presse effectuait souvent entre eux, nous espérions trouver chez lui tout ce qui manquait aux derniers albums de Dominique A : l’urgence d’une chanson baignée dans le post-punk (à moins que ce ne soit l’inverse), la méchanceté dissimulée sous une voix cajoleuse, fière arrogance derrière profil low-fi… Surtout, échapper à ces récentes envolées oniriques qui, sous l’influence d’un Manset, avaient déconnecté le grand Nantais de la Terre ferme, le conduisant à rêvasser petitement devant l’inaccessible Horizon, au lieu de continuer à gratter encore les plaies vives, cisailler la chair à la scie-guitare électrique et mettre à jour nos pauvres coeurs miséreux.

La deuxième méprise était plutôt d’ordre sentimental : séduit par le disque qu’il avait récemment offert à Dick Rivers, par le soin apporté à redonner une dignité aux poor lonesome twisteur… nous avions pris Joseph D’Anvers en sympathie, espérant retrouver chez lui un écho à nos obsessions fifties crépusculaires, ces légendes binaires à cuir noir (Gene Vincent, Vince Taylor) qui, les premières, introduisirent la notion de drame, mythologie tragique derrière les sautillements a priori inconséquents des premiers rockeurs. Un univers que le chanteur parigot semblait avoir parfaitement intégré, à l’heure d’écrire L’Homme Sans Âge (voir chronique, du même auteur).

Las ! Dans les deux cas, nous avons été affreusement déçus.

Evacuons tout de suite la piste rock’n’roll : il ne s’agit assurément pas de cela ici, et il ne faut pas espérer retrouver trace dans ce disque de la mythologie des temps anciens/grands espaces offerte à l’ex-chanteur des Chats Sauvages. De fait, cet album se rapproche effectivement plus de la "chanson rock chambre de bonne" que son illustre prédécesseur A avait réussi à imposer… mais un ton en dessous des grandes réussites de ce dernier. Avec, notamment, une politesse excessive dans le propos et une joliesse récurrente dans la voix qui posent problème... nous détournent un peu de la gravité des thématiques abordées, empêchent d’y voir une réelle profondeur.

A défaut d’une adhésion complète au disque, on y débusquera tout de même quelques chansons bien troussées, qui nous permettront de garder espoir en la suite des aventures de Joseph d’Anvers.

Sans doute soucieux de fuir les (lourdes) comparaisons évoquées ci-dessus, le disque commence sur une fausse piste : "Kids", duo franco/anglais avec le dénommé Money Mark, ex-complice des Beasties Boys nous dit-on… Malheureusement loin de la furia rap festive de ces derniers, le résultat évoque plutôt un formatage pop-rock-FM susceptible de faire les beaux jours d’une playlist de Ouï FM ou Le Mouv – ce qui n’est pas forcément un gage de qualité à nos oreilles. Cette piste pop-rock, avec guitares bien peignées légèrement saturées (mais pas trop, malheureux !), est reprise sur "Entre Mes Mains", dont la formule musicale  un peu tiède dessert un texte pas inintéressant, catalogue des petites misères d’un narrateur laissant échapper l’amour à force de faiblesses. Idem pour "1000 Fois", même erreur même punition : le propos lorgne sur la dureté (il y est question d’excès, d’absence, de "risques du métier") sans que jamais l’urgence ne transparaisse dans la mise en musique, toujours un peu trop pop-proprette. Un peu plus réussie, "A Mi-Distance" (featuring The Rodeo) se situe, comme son titre l’indique, à équidistance du bon (colère rentrée, voix murmurée/menaçante sur les couplets) et du fatiguant (les interventions de The Rodeo sur les refrains, qui redonnent dans la rengaine radiophonique pseudo tubesque).

C’est sur le titre suivant, "Par Avance", que l’on croit entrevoir enfin ce qui pourrait constituer le salut de Joseph D’Anvers : un minimalisme de bon aloi, arrangements économes mais inspirés (voix fredonnées dans le fond, glockenspiel en première ligne) sertissant la chanson de touches fines, sans pour autant masquer sous la joliesse la dureté de l’arrête/ossature, ni l’engraisser (pour une fois) avec de grosses guitares trop convenues. La forme (faussement apaisée) fait enfin écho au fond (calme révolte, colère résignée), et nous y trouvons finalement notre compte. Idem pour la suite, "Le Bât Blesse", qui fait un sort à une (pauvre) petite amie, voix douce égrenant (en parlé-chanté vicieux) un chapelet de gentilles horreurs (corps et cœurs en berne, "Dieu seul sait pourquoi je reste") sur rythmique sautillante sans être crispante. "Le Funambule" reconduit ensuite le postulat d’anversien idéal d’une ligne mélodique claire soutenue par un choix d’arrangements sobres et discrètement contrariés (guitares aigrelettes sur le refrain rappelant terriblement Dominique A) ; malheureusement, les paroles, trop portées sur la métaphore poétique, ne s’avèrent pas tout à fait à la hauteur.

C’est un peu plus réussi (textuellement parlant) dans "L’Amnésie", qui dissèque (sur fond de guitares en boucles lancinantes, retenant leur sève) la petitesse sentimentale du mâle trentenaire occidental, malmené par ce qu’il croit être les femmes de sa vie (trop présentes ou définitivement envolées ; pas de juste milieu possible). "Sept Jours d’une Vie" est aussi intéressante musicalement, réussissant grâce à ses parties vocales filtrées/emmêlées, à donner du relief au débit ordinairement un peu falot du chanteur ; une fois n’est pas coutume, de fines guitares tournoient et s’énervent sans trop en faire. Un bon point.

Ce sera un peu moins probant sur "Les Chiens (mangent les chiens)", musicalement OK – guitares répétitives sur boîtes à rythme claires et précises – mais au texte un peu trop démonstratif (les chiens se dévorant entre eux, évocation facile d’une humanité redevenant sauvage, hum). Même défaut même punition pour "Les Anonymes", chanson "à texte" un tout petit peu sociétale, mais dont le propos s’avère trop simple et généralisant (l’homme VS la foule), esquisse d’engagement qui ne lui sied guère. Et la gène se poursuit avec "Les Roses", qui tombe dans les affres d’une chanson pépère (ces arpèges gna-gnan !), paroles à la mélancolie maladroite et trop explicitement poétique ("les amis de passage se fanent comme les roses dans le vent"…) ; titre heureusement sauvé par une forme musicale économe et douce, évoquant subtilement, entre les lignes, tout ce que le texte s’échine à nous surligner un peu bébêtement.

Au final, on l’a compris, c’est lorsqu’il se contente de regarder (un peu méchamment) le monde depuis sa lucarne (sordide), plutôt que dans ses tentatives de grandes visions, que Joseph D’Anvers nous convainc le plus. Lorsque, à l’avenant, les parties musicales se font minimales, laissent à nu les chansons, maigres dans le bon sens du terme – sèches et émaciées. Lorsque les astuces de production trouvent le moyen de rendre plus dure une voix à la joliesse un peu morne, qui ne sait pas (encore) assez suggérer les sentiments un peu hargneux auxquels aspirent ses meilleurs textes.

A l’image de ce "Continent", plage 2 que nous avons gardé pour la fin et illustrer notre propos : là, les pistes entremêlées apportent une heureuse densité/variété au chant ; des pointes de rêverie mélancolique sont insinuées (en quelques notes économes) sur une rythmique nerveuse qui dit assez bien l’intranquillité… Au diapason de cette forme, les horizons du texte ont des airs de paysage mental obsessif et contrarié (ciel trop bas, continent masqué par les brumes) plutôt que de saine réalité, exprimant assez bien la solitude irrémédiable d’un quotidien étriqué, rêve d’échappatoire suggéré au détour d’un couplet. Ici, l’auteur-compositeur réussit parfaitement la gageure que l’on avait imaginée en ouverture, mélangeant confinement dominique-anéien première période et rêveries de grands espaces mythifiés (proches de ceux, également arides et désolés, offerts au père Dick). Tout ce que les chansons plus commerciales, aux largesses pop-rock un peu trop explicites, avaient tenté d’asséner sans nuance – peine perdue pour le frisson, la poésie.

C’est une étrange (et belle) contradiction : qu’un artiste ayant réussi à offrir d’admirables grands espaces/grands sentiments à un vieux chanteur largué sur le retour (Dick Rivers), s’épanouisse mieux, dans son œuvre personnelle, en chansons-chambre-de-bonne agencées à l’économie (mais avec goût), et se perde dès qu’il tente d’accéder par lui-même aux grandes cavalcades électriques-héroïques de ses rêves.

 

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Nicolas Brulebois         
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