Avec "Photo-graphik", la Maison Européenne de la Photographie rend hommage à l'un des plus grands graphistes de la seconde moitié du 20ème siècle, Roman Cieslewicz, à l'inventivité exceptionnelle à une époque où la CAO n'existait pas.
Avec son postulat "Une image est nue si elle n'est pas soutenue par un mot", il pratique une devise journalistique célèbre, "Le poids des mots, le choc des images" avec cependant plus de subtilité.
Il excellait dans tous les domaines de la création graphique, de l'affiche à l'illustration, et ce, pour tous les supports.
Naturellement à la Maison Européenne de la Photographie, l'exposition, conçue sous le commissariat de Gabriel Bauret, met l'accent sur les créations réalisées avec la technique du photomontage tout en présentant le travail de Roman Cieslewicz dans le domaine de la presse et de l'édition.
Plusieurs salles, ainsi qu'une exposition sous vitrine à
la bibliothèque, présentent un florilège
de sa considérable production dont une grande d'originaux
détenus dans son atelier partie fut dispersée
par une vente aux enchères publiques suite à sa
mort subite en 1996.
De fait, compte tenu des différentes périodes de sa création, l'exposition se déroule selon un parcours chronothématique.
L'art du copier-coller avant la CAO
Avec la photographie, par collage, montage et détournement d'images, Roman Cieslewicz a abordé, avec le même bonheur et la même inventivité, tous les champs possibles de la création.
Diplômé de l’Ecole des Beaux-Arts de Cracovie, il arrive en France fort de l'héritage de l'avant-garde polonaise de l'entre deux guerres. Sa carrière se déroulera en France où, à son arrivée en 1963, et est engagé comme graphiste par Peter Knapp pour le magazine Elle dont il deviendra le directeur artistique.
Sa vitalité créatrice s'exerce notamment dans
le photomontage qu'il avait appris auprès de Meyzyslaw
Berman, le chef de file de l'avant garde polonaise, le factoréalisme,
qui pratiqua le photomontage influencé par le dadaisme
allemand et le constructivisme russe.
On retrouve cette influence dans ses affiches ainsi que dans ses travaux personnels comme la série trichromique "Pas de nouvelles, bonnes nouvelles".
Le parcours des salles révèlent de nombreuses influences en résonance avec les courants artistiques majeurs.
Ainsi, trouve-t-on des emprunts à l'art cinétique
et au lettrisme pour ses affiches, la pratique du surréalisme
onirique pour ses travaux personnels, les collages colorés
des magnifiques séries "Changements
de climat" et "Oséelisques"
comme le surréalisme parodique pratiqué au sein
du groupe Panique fondé par Topor, Arrabal et Jodorowski.
Cette exposition permet également de découvrir
ses illustrations d'oeuvres littéraires aussi différentes
que le gothique fantastique pour "Les mystères d'Udolfo"
d'Ann Radcliffe ou la fiction historique avec "Les dieux
ont soif" de Anatole France.
Pluralité d'influences qu'il met au service de tous les
supports sans ostracisme et avec le même souci de concision
et de créativité, de la publicité commerciale,
aux affiches d'exposition, notamment celles du Centre Pompidou,
et aux unes de magazines engagés.