Elle, avec sa petite culotte bateau et ses tennis, elle ressemble à une collégienne qui aurait échappé à la girl attitude. En réalité, on apprend qu’elle est diplômée de Yale et à l’instar de certains de nos fils et filles de bonne famille qui ont fait les grandes écoles, elle cultive le look adolescent attardé pour mieux retarder l'entrée dans le monde adulte. Elle accompagne au Japon son mari photographe de mode et s’ennuie et ne sait pas ce qu’elle va faire, de sa vie notamment.
Lui, la cinquantaine dépressive, ayant laissé femme et enfants au foyer pour venir au Japon tourner une campagne de pub, semble parachuté sur une autre planète et essaie de tuer le temps.
Entre elle, qui ne sait pas où elle va et lui qui ne sait plus où il en est, quelques moments partagés, sorte d’intimité contingente comme il peut en exister entre des inconnus qui savent dès le premier instant qu’ils le resteront parce qu’aucun d’eux n’a réellement envie d’aller plus loin. Parce qu’il leur suffit de se divertir au sens où le divertissement n’est pas synonyme d’amusement mais de manière d’oublier que le temps passe et que l’homme est mortel. Le tout plus photographié que filmé : prédominance de la photo, une photo polissée et très actuelle, succession de plans fixes, corps immobiles, action minimaliste, sentiments très discrets voire inexistants.
En arrière-plan, clip-clichés sur le Japon moderne avec abondance de vitres et jeux de miroirs, d’éclairages d’ambiance ou de néons clinquants : palace hyper futuriste, salle de jeux pour adolescents speedés, buildings vus du ciel, happy few nippons branchouilles, train super profilé, promenade dans la capitale culturelle Kyoto, le tout avec la musique électro rétro chouchou des défilés de mode.
Rien d'étonnant au demeurant puisque l’équipe de la réalisatrice, elle-même photographe, styliste de mode, et peintre, est fortement impliquée dans l’univers du clip : l’assistant-réalisateur, son frère Roman, le directeur de la photographie et la créatrice de costumes.
Meta-film par excellence, Lost in translation est encensé par la critique, truste récompenses et les millions de dollars. Une belle réussite donc... sur papier glacé.