Pour ce printemps, le Centre Pompidou a organisé des expositions joyeuses et lumineuses. A côté de l'œuvre parisienne de Calder se tient une grande exposition rétrospective consacrée à Kandinsky peintre fondateur de l'art non figuratif et co-fondateur de l'art abstrait.
Cette exposition est exceptionnelle à plus d'un titre car elle réunit un nombre important de toiles majeures de grand format provenant des trois plus grandes collections publiques du monde grâce à la collaboration de la Städtische Galerie im Lenbachhaus de Munich, du Solomon R. Guggenheim Museum de New York et le Musée national d'art moderne du Centre Pompidou.
Le commissariat est assuré conjointement par trois conservateurs, Annegret Hoberg, Tracey Bashkoff et Christian Derouet, qui ont voulu privilégier l'appréhension sensible de l'œuvre de Kandinsky.
Aussi
l'accrochage suit une dévolution chronologique qui montre
l'imbrication des itinéraires et géographiques
de l'artiste qui vécut successivement en Allemagne, en
Russie et en France.
La scénographe Laurence Fontaine a judicieusement choisi de laisser les cimaises blanches pour accueillir les toiles gorgées de couleurs et de lumière dans un déploiement simplement scandé par quelques grands panneaux-cartels d'étape.
Par
ailleurs, ce cheminement pictural comporte quelques intermèdes.
Des unités plus petites sous forme de cabinet de dessins plus intimistes ponctuent les grandes salles pour présenter notamment les aquarelles et les manuscrits de la période dite "russe" et le portfolio du Bauhaus pour le 60ème anniversaire de Kandinsky qui enseignait à Weimar à l'Ecole d'arts appliqués du Bauhaus.
Le tout est une parfaite réussite qui enchante tant l'oeil que l'esprit et le coeur.
Kandinsky l'expression chromatique de la poésie de l'âme
Les formes, les couleurs, l’harmonie sont les leitmotiv de Kandinsky qui conçoit la peinture, à l'instar de la musique, comme un mode d'expression poétique. Du lyrisme informel vers le biomorphisme en passant par la géométrie allusive et sensible, il explore l’émotion esthétique.
L''exposition
ouvre sur ses premières oeuvres dans lesquelles le chromatisme
est déjà essentiel et permet au visiteur de voir
des toiles rarement voir jamais exposées en France.
Théoricien de l'art, un art qu'il considère comme un médium spirituel, il élabore une théorie sur la résonance des couleurs et des lignes sur l'âme ("Trait transversal", "Sur les pointes"), dont la symbolique cosmique du cercle omniprésent dans son oeuvre, dont le fameux "Quelques cercles" repris pour le visuel de l'affiche, renonce à la figuration pour se concentrer sur le spirituel.
Celui-ci se manifeste sous trois formes, influencées
par la musique notamment en raison de son amitié avec
Arnold Schoenberg, selon la source émotionnelle et le
degré d'élaboration - l'impression, l'improvisation
et la composition - qui sont autant de symphonies colorées et
d'oratorios lyriques ("Fugue",
"Improvisation 35", "Tableau
à la tache rouge").
Avant de se consacrer uniquement à des peintures petit
format et des oeuvres géométriques sur papier,
les œuvres tardives manifestent avec l'intégration
des formes biomorphiques un changement de palette chromatique
("Tensions délicates",
"Accord réciproque").
L'exposition est riche, abondante, passionnante et chaque toile appelle le regard. Fascinantes les toiles sont vivantes et parlent autant au coeur qu'à l'esprit même si l'on n'est pas un historien d'art.
Le public ne s'y trompe pas et il faut se ménager une large plage horaire pour prendre son temps et avoir la patience, malgré une grande affluence, de partir en voyage.