Petit retour en arrière pour commencer. Printemps 2007 voyait la parution d’un premier album hors du commun, Ash Wednesday, l’œuvre d’une vie d’un songwriter alors totalement inconnu : Elvis Perkins. Mais dont les parents avaient laissé une empreinte indélébile sur la culture du XXe siècle : l’acteur Anthony Perkins et la photographe Berry Berenson. Pourtant, ce jeune américain semblait alors plus attirer l’attention critique sur sa filiation et la tragique destinée de ses géniteurs que sur la qualité intrinsèque de son disque.
Durant les deux années suivantes, Elvis a sillonné la planète avec son groupe – on se souviendra émus de leur lumineuse apparition aux Inrocks 2007. Une période également mise à profit pour inventer la suite de Ash Wednesday ; dans un contexte forcément différent tant le processus de deuil était indissociable du premier opus.
Dans l’intervalle, Elvis a également subi une profonde transformation physique : les cheveux du timide jeune homme à lunettes rencontré à l’époque ont poussé, accentuant la ressemblance avec un John Lennon époque "Instant Karma". Que l’on pourrait traduire par une affirmation de soi, une libération, une volonté de se détacher de ce statut de "fils de". Pour devenir enfin Elvis Perkins. Ecrit sur la route et sobrement intitulé Elvis Perkins In Dearland – du nom de son backing band –, ce nouvel album laisse sur le papier planer des doutes sur une suite logique de Ash Wednesday.
Premier constat : Elvis semble moins habité par ses nouveaux morceaux, plus détaché vis-à-vis de ceux-ci. Dont le côté primesautier et hédoniste surprend parfois ; pour preuve ce "Shampoo" initial, tube radiophonique évident ou l’affolant "Hey" en plage deux, featuring Becky Stark de Lavender Diamond. Deuxième constat : un nombre de balades – au demeurant admirables ("I'll Be Arriving" et la géniale "Hours Last Stand") – réduit à la portion congrue. On serait aussi en droit de regretter cette sublime noirceur, véritable marque de fabrique du premier album. Le côté folk aussi un peu délaissé...
Mais il aura suffi d’entendre à nouveau Elvis en concert début avril à la Maroquinerie pour succomber sans restriction aux charmes de ce deuxième album ; joué en quasi-intégralité ce soir là. Pour rendre ces petits instants de bonheur "Doomsday", "123 Goodbye" ou encore "How’s Forever Been Baby" indispensables. De quoi en modifier durablement la perception. En conclusion, disque brillant même si on sent encore chez Elvis Perkins le potentiel pour réaliser une galette supérieure encore à Ash Wednesday. |