Qui ne connait pas Alexandre Dumas ? Ses immenses succès que sont Le Comte de Monte-Cristo ou Les Trois Mousquetaires ? Pourtant, peu savent qu’il a commencé sa carrière comme dramaturge, d’ailleurs très populaire à son époque. Ainsi lorsqu’il veut se lancer dans le roman, craignant la critique et le mauvais accueil, il préfère le faire sous un nom d’emprunt, celui du général Paul Dermoncourt, qui fut l’aide de camp de son père, le Général Dumas.

La Vendée et Madame est donc parue en 1833, sous le titre Madame dans la cheminée, l’aventure de la Duchesse de Berry, référence à un des nombreux épisodes rocambolesques contés dans cet ouvrage, puis a été republiée partiellement en 1942, toujours sous le nom du général. Ce n’est que très récemment qu’elle a été officiellement attribuée à Alexandre Dumas. Plutôt qu’un inédit, c’est donc une redécouverte.

Dans cette première œuvre, Alexandre Dumas s’appuie sur des terrains connus : la Vendée, pour laquelle il a toujours eu une certaine affection et dont son père fut Gouverneur, la Monarchie, les souvenirs du général Dermoncourt qui a participé à cette aventure, et qui lui a transmis toute la documentation.

Faisons tout d’abord un petit rappel historique pour situer l’action : la Monarchie disparait avec la décapitation, le 21 janvier 1793, de Louis XVI. En 1815, elle réapparait, grâce à l’élection d’une chambre royaliste qui place Louis XVIII, frère de Louis XVI sur le trône. A son décès, en 1824, Charles X, second frère de Louis XVI, lui succède. Un des fils de Charles X, le Duc de Berry, a été assassiné en 1820. Mais sa femme, Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, a déjà mis au monde un petit Henri, Comte de Chambord. En 1830, les événements de Juillet font abdiquer Charles X et son autre fils le Duc d’Angoulême, pour amener Louis-Philippe Duc d’Orléans (descendant du frère de Louis XIV) sur le trône de la Monarchie de Juillet. La Monarchie est donc de retour en France, mais c’est une Monarchie parlementaire.

C’est donc dans ce contexte que Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, Duchesse de Berry entre en scène en 1832. Considérant son fils comme l’héritier de droit du trône de France, puisque petit-fils de Charles X, elle va se lancer dans une folle équipée pour lui rendre ce qui, à son sens, lui est dû. Elle débarque donc à Marseille, puis rejoint la Vendée – traditionnellement royaliste – afin d’organiser un soulèvement national, et placer son fils sur le siège royal.

Mais la France a changé depuis 1789. Le Roi est un roi bourgeois, qui se promène partout, portant un chapeau et un parapluie. Le peuple a également changé, il est beaucoup moins disposé à mettre sa vie au service d’un monarque. Les soutiens à sa cause sont donc rares. Commence alors pour cette héroïne digne d’un roman une succession de péripéties : elle erre de château en château, voire de ferme en grange, tentant d’échapper au général Dermoncourt qui la poursuit jusqu’à sa capture à Nantes.

Le génie d’Alexandre Dumas est déjà présent, dans cette première œuvre romanesque, par l’utilisation de la première personne – le narrateur n’est autre que le pseudo auteur le général Dermoncourt – qui permet au lecteur de suivre l’action de l’intérieur et par les prémices déjà fort aboutis de son style et de ses techniques narratives, qui rendent son œuvre si palpitante et attachante. Devancière d’héroïnes et d’aventurières modernes, la Duchesse de Berry allie audace, témérité et ténacité. Tout le talent de l’auteur est mis à profit dans ce récit d’une femme hors du commun, qui a voulu forcer le destin.