Spectacle musical écrit par Alfredo Arias et Gonzalo Demaria, mise en scène de Alfredo Arias, avec Carlos Casella, Maria Filali, Larry Hager, Marcos Montes, Alejandra Radano et Jorge Rodriguez.

Alfredo Arias est un invité fidèle du Théâtre du Rond Point. Il y revient, deux ans après sa précédente création, une délirante comédie musicale en hommage aux petites troupes de théâtre populaire intitulée "Divino Amore", avec un triptyque musical qui constitue ce qu'il appelle "une sorte de carnet de retour vers mon passé à Buenos Aires".

Après près de 40 ans de création, d'exil et de cosmopolitisme théâtral, le retour aux racines et aux fondamentaux s'imposait donc comme une évidence. Et comme Buenos Aires est la terre du tango et de l'amour, "Trois tangos" célèbre l'amour dans sa figure tragique, celle du trio infernal dans lequel la passion amoureuse ne peut se conclure que dans la rage meurtrière.

S'inspirant des thématiques récurrentes dans le cinéma et d'une trame musicale stupéfiante de Axel Krygier, et en collaboration avec Gonzalo Demaria, il a concocté trois variations spatio-temporelles de la passion dans lesquelles se retrouvent son goût de la fantaisie, du baroque et du kitsch mêlé à un hyperéalisme sublimé par le kaléiodoscope du pathos argentin.

Du bordel de Buenos Aires au quartier de la Contrescarpe en passant par un paquebot de croisière italien, déclinés successivement en espagnol, italien et français, ces courts opéras cèdent aux caprices de la théâtralisation : bien évidemment la femme perdue se double d'un vampire, le riche mari de l'ancienne femme-oiseau trapéziste devient un poisson-volant et les amants rivaux de la Reine des rats se trouvent être des frères jumeaux.

Pour tout décor, trois cimaises noires et de subtiles lumières de Patrick Debarbat. Pour le reste, tout repose sur la magie du théâtre, le talent des interprètes et l'imaginaire créatif d'Alfredo Arias.

Ponctuées par des tangos renversants, qui interviennent en intermèdes sensuels exécutés par Jorge Rodriguez et Maria Filali, en faux jumeaux vêtus du même costume unipièce noir mi-smoking mi-flamenco, sublimes danseurs dont les corps à corps virevoltants, qui donnent la chair de poule, accrochent la lumière et zèbrent l'espace d'arabesques quasi-picturales, ces pièces atypiques et ténébreuses sont interprétées par de vrais comédiens-chanteurs qui se jouent de la discipline de fer imposée par la mise en scène d'Alfredo Arias pour réussir la symbiose du jeu, du chant et de la danse.

Tous de noir vêtu également et dotés parfois d'accessoires vestimentaires cocasses, signe du goût d'Arias pour la folie et la démesure mais également du fait que le rire et la farce font partie du théâtre comme de la vie, Alejandra Radano, Carlos Casella et Marcos Montes composent d'époustouflants trios à géométrie variable, tant par leur qualité vocale que par la fluidité de la gestuelle chorégraphique très graphique qui accompagne chacun de leur déplacement.

Porté par un rythme soutenu, les enchaînements ne connaissant pas de blanc, et une vraie tension dramatique, le spectacle est sidérant de virtuosité.