Pour le sourire d’une tortue de Michel Didisheim, suite de Tu devais disparaître. A priori, l’ouvrage peut se lire séparément du premier. Ce que j’ai fait, mais je ne saurai pas vraiment dire si la lecture du premier manque au deuxième, pour la simple raison que je n’ai pas lu le premier. J’ai par contre passé tout le bouquin à me demander "mais qu’est-ce qu’il veut raconter à la fin ?".
Le livre commence en 1995, par un enterrement, des doutes et des questions. Puis, un grand bond dans le passé nous amène en 1948, dans la peau d’un aristocrate allemand : Conrad Falk, qui a des doutes et des questions. A savoir, l’a-t-Elle trompé avec ce type ? Donc, l’histoire d’un amoureux du XXème siècle, hanté par le souvenir d’une seule femme, de celles qui rendent toutes les autres fades et sans intérêt. Cette femme, Valérie, arrière-petite-fille de la grande Victoria, cachée à sa naissance dans une famille juive d’Europe occidentale, assaillie de doutes et de questions, qui a aimé Conrad, qui a rompu la première, qui s’est suicidé le croyant mort.
Oui, mais non, quelques pages plus loin, aucune trace de Valérie, aucune trace de Conrad, juste un récit au kilomètre de la guerre d’Indochine, du traitement des prisonniers, de la désintoxication idéologique, de la rééducation politique subies dans les camps. Donc, un livre documentaire entrecoupé de la quête de Conrad pour reconstituer l’emploi du temps de sa défunte amante, un Conrad obsessionnel du détail, qui frise la monomanie : "M’a-t-elle trompé avec ce Jugaw ?".
Oui, mais non, Conrad raconte ensuite son désir de revoir Valérie, de l’émouvoir, de comprendre son geste de rupture insensé. Il raconte aussi la guerre froide, les manipulations des services secrets communistes face aux services secrets franco-britanniques tout aussi manipulateurs. Les fausses déclarations et les doubles jeux auxquels il joue malgré lui. Tantôt rapide, balayant plusieurs années en trois mots, tantôt long (et ennuyeux même, n’ayons pas peur des mots), décortiquant, repassant plusieurs fois la même scène (ou bien je me suis endormie et j’ai relu les mêmes pages plusieurs fois ? Je vais enquêter).
Finalement, la seule raison pour laquelle ce livre est estampillé tome 2, c’est qu’il reprend les mêmes personnages que le tome 1, comme si l’auteur n’avait pas su se séparer de ses acteurs, de ses créations. J’ai achevé la lecture avec des doutes et des questions. Même si je n’aurai pas su faire mieux, ni même en faire autant, le fil conducteur est trop ténu pour tenir le lecteur éveillé, perdu au milieu de l’Histoire trop bruyante qui mérite mieux qu’une description documentariste et amorphe. Pas facile de raconter l’Histoire quand le héros de l’histoire n’en est pas un Héros.
L’auteur a-t-il saisi le prétexte de l’homme qui cherche des réponses à "La femme que j’aime à travers la mort a-t-elle trahi ?", pour peindre l’histoire du siècle qui s’est définitivement terminé le 11 septembre 2001 ? Ou décrire l’évolution du monde depuis la chute du IIIème Reich n’est-il qu’un prétexte pour partager pudiquement une question qui l’a hanté pendant toutes ces années, histoire de le décharger du fardeau de la culpabilité ?
Ne pas lire pour l’histoire d’amour, ou alors pour s’en dégoûter et se suicider de suite.
Ne pas lire pour le récit historique, ou alors pour risquer de s’endormir et de relire dix fois le même passage.
Et pourtant, il y a quelque chose qui ne laisse pas indifférent dans ce bouquin. Un puissant hommage aux destins brisés par les guerres, quelles qu’elles soient. |