On se souviendra longtemps
de la 6ème edition de l’implacable festival "les
femmes s’en mêlent" , qui avait donné
l’occasion aux provinciaux de voir en concert les majestueuses
Eleni Mandell et Elysean
Fields, ainsi que la prometteuse Laetitia
Sheriff.
Festival prestigieux s’il en est, "les femmes s’en
mêlent" part d’une idée qu’on n’osera
qualifier de féministe : créer un festival destiné
aux femmes, les femmes dans la chanson, comme si leur représentation
était lésée. Existe-t-il un sens caché
qui exerce une violence symbolique ou machiste sur le sexe faible,
lui empêchant tout accès à la scène musicale
? En fait… non. Le festival n’est qu’un prétexte,
sans revendication, pour entendre les plus grandes artistes folk,
pop, rock, pour faire venir en France des voix douces et mélodieuses.
A l’origine centralisé sur Paris, les organisateurs,
reprenant le modèle du festival "Les Inrocks",
décentralisent depuis peu une soirée dans plusieurs
villes de province. Evidemment, Paris tient encore le haut du pavé,
avec ses soirées clubbing, ses nombreux concerts. Pour la
province, une sélection est opérée, et quelques
villes privilégiées ont l’occasion de voir sur
scène trois artistes, dont une découverte.
De révélation en confirmation, le festival a pris
le pari de catalyser sous son nom les artistes féminines
"du moment" . Ainsi, ont été découvertes
les facétieuses Chicks on Speed,
la belle Oh Susanna, Paula
Frazer ou encore Eleni Mandell.
Et puis des revenantes : Dani, Jeanne
Balibar.
Le découverte, cette année, c’est Aroah,
petite espagnole espiègle qui s’arme de sa guitare
sèche et de son large répertoire pour conquérir
le public français. Pas de grande originalité dans
la musique, mais une sonorité légèrement chantante
rappelant le flamenco espagnol suffit à faire craquer le
public. Concert sans playlist, où la chanteuse semble improviser
jusque dans ses paroles… Aroah est timide, chétive,
mais elle semble déjà posséder un large répertoire.
Alternant chanson en anglais (majoritaires) et en Espagnol, le songwriting
est élégant. Aroah, espérons le, connaîtra
le même chemin que Laetitia Sheriff
(qui vient de sortir sa première galette).
Feist investi ensuite la scène,
avec son combo jazzy. La dernière fois qu’on a pu voir
Feist sur cette même scène, elle accompagnait le génialissime
goncho, alias Gonzales, le rappeur canadien-allemand,
et se livrait avec lui à un show déjanté et
sexuel. Elle a également pour proches amis les Broken
Social Scene, autres canadiens prolifiques, ou Peaches, l’inclassable
electro-trash girl. Elle peut désormais utiliser ses facéties
au service de ses propres textes, et se dérouter des premiers
sentiers musicaux, quand elle reprenait AC/DC
avec son groupe de lycéenne, ou des virages power pop de
By Divine Right.
Mais comme découverte sur son cd, la musique de Feist est
en rupture totale avec son énergie scénique, tant
ses mélodies jazzy sont douces, reposantes. Sa voix est magnifique,
toute de fragilité. Feist transforme l’ambiance du
Grand Mix en un café-concert jazz new-yorkais, et de sa station
de ski de Calgary, elle ne ramène que la chaleur des bars.
On reparlera sûrement d’elle lors de la sortie prochaine
du nouveau disque des Kings Of Convenience,
auquel elle a participé.
Enfin, c’est au tour de Shannon Wright,
et là, il faut presque s’excuser de s’avouer
déçu. Parce que Shannon Wright, c’est quelqu’une.
La femme mûre du folk rock (ex Crowsdell)
a sorti un somptueux album, Over the Sun,
en mars dernier, album hargneux et électrique, avec Steve
Albini à la production. Son efficacité dans
le mange-disque n’est plus à démontrer. Mais
sur scène…
Efficace, elle l’est, mais trop ! Ayant décider coûte
que coûte de faire du rock, elle enfourche sa grosse guitare
bien grasse, sature sa voix, et sa copine Cristina
Files à la batterie tape un peu fort, se prenant pour
Meg White. La voix est criarde, et il
manque à la formation une basse pour renforcer l’atmosphère.
Tant pis…
Le festival s’achève déjà à Tourcoing,
et le spectateur repart heureux, ayant l’impression d’avoir
participer à un mouvement populaire de libération,
la femme étant enfin libérée du joug masculin
: on lui laisse l’opportunité de s’exprimer.
L’an prochain on annoncera peut être que les retraités
s’en mêlent, avec Patti Smith en tête s’affiche,
les Rolling Stones en concert intime, et Robert Wyatt en concert
acoustique. Ca promet.
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