Spectacle jeune public mis en scène par Joël Pommerat, avec Ludovic Malère, Isabelle Rivoal et en alternance Saadia Bentaïeb, Murielle Martinelli et Valérie Vinci.

La mode est au théâtre pour enfants. Loin des matinées classiques, jouées par de vieux comédiens fatigués ayant l’écolier en aversion, ou des conteuses à chapeau pointu et à l’accent de Carqueranne, de nouveaux spectacles apparaissent, de grande qualité, sans concessions ni racolage.

"Le petit chaperon rouge" de Joël Pommerat appartient à cette catégorie.

Une petite fille s’ennuie dans sa maison. Les talons d’une mère - monstre qui aime jouer au monstre - battent le pavé. Une grand-mère gémit dans les bois. Un loup attend son dîner. Tout y est mais rien ne se ressemble vraiment. La petite fille est aimée par sa mère, mais "est-ce suffisant"?

Le conteur (Ludovic Molière) parle : un monsieur à barbe, à cravate, un homme, un spécimen mâle, rare et attirant dans l’univers de la petite fille, un père qui lui aurait raconté des histoires dans son lit, l’aurait prévenu contre le danger des ogres… et des loups.

La suite, on la connait : Tout le monde est mangé, puis dégluti. Le loup est plus ou moins mort, repentant, recousu, empaillé. Les chères petites têtes ne sont pas épargnées : l’effroi règne et elles adorent avoir peur.

Le loup a une voix de pédophile, avinée et sifflante, vraiment efficace. Sa présence, dans l’obscurité, terrifie. Seul bémol : la petite fille a, elle, une stupide voix de monitrice bobo qui répond au loup qui lui dit qu’elle est jolie : "Toi aussi".

L’ensemble révèle un grand respect de l’enfant-spectateur : on lui offre tout et plus, avec une ironie contre la modernité tout à fait savoureuse : la dame qui a "fait un bébé toute seule" (Isabelle Rivoal) n’est plus dans le coup, le loup glouton fait montre d’humour et d’à-propos, la grand-mère représente la vieillesse léproserie, repoussée dans la forêt de Bondy. Et de la musique d’opéra, et de la contrebasse.

Le silence des petits prouve leur fascination. Quant aux parents, ils rassemblent leur courage pour ne pas sombrer dans la nostalgie d’une enfance qui demeure mystère.