Un homme solitaire perdu dans la neige et la brume. Quelle musique peut-on jouer avec ces fringues ? A quoi cela fait-il référence ? A Eté 67, ou six belges capables de jouer de la guitare en moufles, tout simplement, dans Passer la frontière, leur deuxième album.
Et ce n’est pas du tout un petit glaçon, ça ressemblerait plutôt à la face cachée de l’iceberg, oui mais cette face cachée serait un bon gros coulis de lave incandescente. Plus clairement, c’est exactement la musique dont je raffole quand le froid, le vent et la neige rugissent dehors. Je fredonne ces airs pleins de nostalgie ensoleillée comme un pied de nez aux engelures. C’est à la fois triste et plein d’espoir, ça swingue juste ce qu’il faut, c’est feutré au bon moment.
Ils ne paient pas de mine les jeunes, avec leur dégaine d’étudiant à l’hygiène douteuse, mais on s’en fiche, ils balancent comme personne de la vraie musique de cow-boy, à grands coups de ceinturon rock’n’roll dans "Hotel Delirium". Ils produisent des rythmes à faire claquer les éperons ("Plus tôt que prévu"), et du romantisme country-folk à saluer de la pointe du stetson ("Dans ma prison").
Oui, mais ils sont aussi capables de ce blues particulier de la nouvelle Orléans, avec des dames portant des gants en résilles et des chapeaux blancs en forme de palets bretons, et des messieurs en costards blancs impeccables dans le sublime "Retour à Elisabethville".
Même une plongée dans les westerns des années 50, ceux où les prisonniers étaient en pyjama rayé comme les Daltons, quand Luky Luke trainait dans le désert sur un cheval qui parle ("Passer la frontière") ou quand les redresseurs de tort cassaient des cailloux arrimés à un gros boulet, un vrai ! ("Crime passionnel").
Ajouter une touche humoristique "Romans de gare", le cow-boy tout nu, et vous aurez une idée de la richesse de l’album d’Eté 67.
Après Hiver 54, Printemps 68, voilà Eté 67, et ça fait du bien. |