Peut-être étiez-vous passé à côté du précédent album de Ólöf Arnalds, Við Og Við. J'avoue que c'est mon cas. La surprise de ce nouvel album de l'ancienne musicienne de Mùm (mais peut-être était-ce déjà le cas du précédent) provient de la langue islandaise qui n'a jamais été aussi chantante.
Lorsqu'on ne pratique pas couramment l'islandais, voire qu'on ne pratique pas du tout cette langue qui trouve ses racines dans une langue germanique du moyen-âge et a peu évolué, on peut affirmer qu'elle résonne généralement de manière trop gutturale à nos oreilles pour être véritablement agréable. Certes, peu de groupes qui chantent en islandais parviennent à s'exporter, mais de ceux qu'on connaît K.U.K.L pratiquait le son rocailleux, les Sykurmolarnir (le nom des Sugarcubes lorsqu'ils chantent dans leur langue d'origine) travaillaient une pop basée sur les extrêmes et la voix de Einar Örn jouait sur cette "minéralité". Quant à Sigur Ròs, ils cachent les voix derrière des rideaux de brumes instrumentales. Et même "Fléttà", le morceau chanté par Antony en compagnie de Björk sur l'album Swanlights s'avère malgré la beauté des voix parfois rugueux.
Ólöf Arnalds pratique pour sa part une chanson folk, simple, dénudée, dénuée d'effets. Une des principales forces de cet album vient justement de ce dépouillement. A défaut de s'attarder sur les paroles, on suit les modulations de la voix, ses expressions, on écoute le bruit des doigts qui glissent sur les cordes de la guitare... Chaque écoute amène des images, des images de larges forêts, de bords de lacs baignés d'un soleil d'hiver, ou de chevauchées dans d'interminables prairies baignées de rosée avant de se retrouver autour d'un feu de bois.
Il parait que la blonde islandaise a écrit les chansons de son second album en veillant le sommeil de son nouveau-né. Le calme et la paix habitent ces chansons jusque dans leur âme. Si "Crazy car", la chanson chantée en anglais avec son complice Davíð Þór Jónsson ressemble d'ailleurs à une berceuse, la plupart des autres chansons ouvre un univers plus riche, presque métallique et médiéval sur "Madrid", boisé et voyageur sur "Svif Birki", champêtre sur "Allt i Guddi". Sur "Surrender", Björk vient ajouter sa voix au choeurs, créant discrètement un effet de miroirs, de palais des glaces. Il est étonnant de constater que cet album peut se décliner en un vocabulaire olfactif : certaines chansons seront boisées, florales, musquées ou fraîches...
La production veille à créer un espace autour de la voix, souvent soutenue uniquement par la guitare ou le charango, parfois de subtils arrangements de cordes ou d'instruments à vent viennent souligner cette voix, et réhausser le sentiment d'intimité lumineuse qui habite cet album.
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