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puce Nicolas Robin & Philippe Nègre - Troisième partie
Interview  (Paris)  30 novembre 2010

Après avoir interviewé Manu pour la sortie de son DVD live, il était logique, pour en savoir encore un peu plus de s'adresser à ceux qui l'ont réalisé. En l'occurrence il s'agit de Nicolas Robin et de Philippe Nègre, compères de longues dates. Interview qui a bien vite pris une tournure de conversation, voire de confidences et que, vu la longueur, nous vous retranscrirons ici même par épisodes, tout au long des semaines à venir. Vous saurez donc tout ce qui est avouable sur ces touche-à-tout dans le monde de la vidéo, du journalisme, de la musique, de Game One à Nolife en passant par Game Production et bien d'autres choses.

Voici la troisième partie de cette interview fleuve. Retrouvez la première, la deuxième ou la quatrième et dernière partie en cliquant sur le lien.

Le cadrage : le choix des cadreurs

L'enrichissement personnel est l'une des motivations de Philippe. Quelles sont les tiennes, Nicolas ?

Nicolas Robin : Je suis très motivé par le côté affectif. Quand j'ai fait le making-of avec Manu, j'ai rencontré le groupe, je connaissais déjà Nirox depuis longtemps puisque c'était un ami de Patrick, Nikko je l'avais rencontré vite fait parce qu''il avait participé avec Manu Lanvin sur la musique de "On ne devrait pas exister" de HPG. On avait beaucoup discuté ensemble parce que parfois je n'étais pas d'accord sur la musique (rires). Et il y avait Ben qui, au début, était plus difficile d'accès on va dire, et qui est quelqu'un que j'aime beaucoup aussi. Bien sûr, il y a Manu qui m'a aidé sur plein de choses. Je suis très très attaché à ces gens là.

Philippe Nègre : Moi, pas du tout ! (rires)

Nicolas Robin : C'est ce qui me motive le plus, en fait. J'ai envie de faire plaisir.

Néanmoins, le live n'a pas été tourné avec des téléphones portables.

Nicolas Robin : J'aurais pu… (rires) mais cela avait déjà été fait, je crois.

Philippe Nègre : Radiohead l'a fait, ne l'oublions pas.

Nicolas Robin : OK, pas avec des téléphones portables mais avec des caméras dont une vient de mon installation, une que Nolife nous a prêtée, une qui nous restait de Game Prod' qui était dans un état pas forcément très joyeux… Le choix des cadreurs était important aussi plus que le choix des caméras en fait.

Philippe Nègre : De toute façon, l'humain est plus important que la machine qu'il y a derrière.

Toi, tu n'étais pas cadreur.

Philippe Nègre : Non, je ne voulais pas. En fait, je ne suis pas cadreur à la base.

Nicolas Robin : Je ne t'ai même pas demandé ! (rires)

Philippe Nègre : Tu as bien tort… (rires)

Tu aurais refusé ?

Philippe Nègre : Oui, j'aurais refusé.

Tu es quand même vexé qu'il ne t'ait pas demandé. (rires)

Philippe Nègre : Non, ça va… (rires)

Nicolas Robin : A Game Productions, on a travaillé avec Benjamin Montavy qui a sa propre société de production, SNAP Production. J'aimais son style nerveux que je voulais précisément à tel endroit pour pouvoir filmer Ben et Manu, je savais qu'il irait chercher un certain style d'images, et par rapport à ce qu'il m'avait montré, je savais qu'il aimerait filmer Ben.

Je savais que je pouvais faire confiance à Rémy (ndlr : Rémy Argaud) qui travaille avec Davy depuis très longtemps, je savais que sur Manu il ferait des choses très belles. Julien (ndlr : Julien Patrice) vient du metal et avait fait un DVD sur le live de Hellfest en 2006, produit par Game Prod justement. Il a un sens très à lui de l'image que j'adore.

Philippe Nègre : Il est vraiment très musical dans sa manière de filmer.

Nicolas Robin : Voilà ! Même s'il ne connait pas forcément le morceau ou le groupe, il sait à quel moment il doit faire telle chose, il le sent instinctivement.

Philippe Nègre : Déjà, il est musicien et ça aide pour ce genre de choses, c'est-à-dire qu'il voit très bien un couplet / un refrain…

Nicolas Robin : Il adore filmer live, c'est lui qui devait être sur la scène pour filmer le public, le climat.

Tu as fait du cadre aussi ?

Nicolas Robin : Je cadrais dans le public, en fait.

Il n'y avait pas une sorte de régie ?

Philippe Nègre : Il faut de l'argent pour ça ! Un flux régie est compliqué, cela servirait à rien dans ce sens où cela sert quand on veut faire un pré-montage.

Nicolas Robin : Une régie, c'est une chose. Si tu veux vraiment diriger les cadreurs, tu dois avoir un système d'oreillettes…

De toute façon, ce n'est pas du tout ça que je voulais en fait. A chacun, j'avais donné, suivant les cadreurs, deux ou trois points à filmer, sauf Julien qui était complètement libre, à un détail près. Cela les obligeait à ne pas filmer une seule personne et d'aller de l'un à l'autre régulièrement et donc, donner une sorte de dynamisme à l'image, comme quelqu'un qui regarde le concert. Pour moi, c'était vraiment le plus important. C'est bien large ce que je vais dire : pour moi, le rock est quelque chose qui bouge et je ne supporte pas dans un live, des caméras qui restent fixes.

Ce n'est pas bien que je dise ça mais par exemple, le deuxième concert de Gorillaz, Demon Days, je trouve le DVD extrêmement chiant, alors que je suis un gros fan de Gorillaz : voir des camémas fixes ou qui panotent doucement pour nous montrer 3 trucs, ça me fait chier. Sur scène ça bouge, dans le DVD ça doit bouger aussi.

Bien sûr, il y a des moments plus calmes et j'espère qu'ils y sont retranscrits. N'oublions pas que le principal dans Manu, c'est que c'est du rock réellement.

Le montage : les étapes de transformations

Quand on l'avait interviewée, Manu nous avait dit que tu avais sué sang et eau.

Nicolas Robin : Justement, comme le budget faisait que les caméras n'étaient pas les mêmes, il a fallu trouver un moyen pour toutes les harmoniser.

Philippe Nègre : A la fois, il y avait de la HD, pas de la HD, des trucs grands publics, de la Beta, de la DV, il y avait des formats tellement disparates. Finalement, il aurait fallu tout dans les mêmes normes vidéo.

Nicolas Robin : Il fallait harmoniser sur ordinateur toutes ces caméras au travers de filtres différents. Cela a pris beaucoup de temps avec Sinh (ndlr : Sinh Vu Do) qui a fait l'étalonnage.

Philippe Nègre : Par exemple, si je puis me permettre, ce n'est pas le cas des deux caméras avec lesquelles vous avez enregistré la session de Manu, c'est-à-dire que vous en avez une jaune et une avec une balance des couleurs plutôt blanche. Là, c'était à peu près le même travail en plus complexe puisque c'était dans des formats différents et avec 7 caméras, donc c'est encore plus le bordel.

Nicolas Robin : Normalement, c'est Sinh qui devait faire l'étalonnage du concert tout seul. Devant l'ampleur de la tâche, 5 formats de caméra différents sur 7, il a hurlé. Finalement, je l'ai aidé.

On a fonctionné d'abord pour que toutes les caméras se ressemblent le plus possible et ensuite choisir des teintes pour chaque morceau.

Philippe Nègre : En gros, la première étape, c'est de faire en sorte que toutes les caméras se ressemblent. Donc, Comme on avait ou pas de la HD, le parti pris a été de dire que l'on ferait de la SD puisque finalement, on n'a que deux sources sur 7 qui soient en HD. Cela implique que le piqué du rendu de l'image est beaucoup plus précis sur une caméra HD que sur une caméra pas HD, il faut donc traiter l'image pour qu'elle ait un peu plus de flou, un peu moins nette pour pouvoir matcher avec les autres ensuite.

Chaque caméra a ses pressets de balances des couleurs. Une fois que l'on a à peu près le même piqué d'image, il faut que chaque rouge soit le même rouge, que chaque blanc soit le même blanc. C'est encore un autre souci. Et une fois qu'ils ont fait ça - ce qui prend beaucoup de temps -, il fallait essayer d'uniformiser toute l'image, deuxième étape de transformation, c'est-à-dire que le contraste soit le même sur chaque caméra, que les noirs soient à peu près au même niveau. Ensuite, à la troisième étape, on donne ce que l'on appelle un look au morceau, un parti pris artistique dans la colorimétrie du montage. Ca va, je l'ai bien résumé ?

Nicolas Robin : C'est bien, tu le fais mieux que moi, dis donc… (rires) C'est ça qui a été le plus long, en fait. Contrairement à ce que certains peuvent penser, le montage en lui-même n'a pas été si long que ça. C'est un mois de montage réparti.

Philippe Nègre : Un mois de montage, c'est beaucoup mais c'est normal.

Nicolas Robin : 1h40 quand même ! (rires)

Philippe Nègre : C'est ce qu'il faut. J'apprécie le mois dans le temps, après je ne sais pas comment il le répartit… (rires)

Nicolas Robin : On est toujours sur la même chose : pas payé, ce n'est pas la priorité. Il faut le faire quand on peut. C'est effectivement un mois de travail réparti sur 6 mois.

A part l'Elysée Montmartre et la Boule Noire, il y a eu d'autres tentatives ?

Nicolas Robin : Pas d'autres tentatives… J'avais filmé Voreal à deux caméras, vite fait pour voir ce que cela pouvait donner, ensuite la Boule Noire où le but était d'apporter des images pour le PK mais j'avais été extrêmement déçu du résultat. Je m'en veux aussi parce que je voulais absolument faire quelque chose pour les France Cartigny qui avaient joué ce jour là aussi.

J'avais eu que ces deux tests là en fait. Le reste consistait à réfléchir combien de caméras il fallait…

C'est ce que disait Manu : c'était du sans filet…

Charlotte Lumière (attachée de presse) : Manu disait qu'ils avaient l'impression d'avoir mieux joué à l'occasion des concerts une semaine avant. Ils avaient la pression, c'était une grosse date parisienne, le dernier avec toutes les surprises prévues où Manu était complètement déstabilisée à partir du premier rappel.

Philippe Nègre : C'était une vraie page qui se tourne, c'était la première fois qu'il jouait avec autant d'invités, il me semble, aussi.

Nicolas Robin : Il y a une chose très simple pour moi : quand je les file et que je souris bêtement, c'est que ça marche. Tout le long du concert, je souris bêtement, il n'y a pas de problème. J'étais heureux, je les voyais eux bien sur scène, je jetais un coup d'œil de temps en temps aux cadreurs qui bossaient avec moi et je voyais que ça fonctionnait. Je n'avais pas de doute là-dessus.

Prétentieux ! (rires)

Philippe Nègre : Dans ce métier, il faut un minimum être sûr de soi, sinon on se fait éclater.

Quand a été le moment de vérité ?

Nicolas Robin : Le soulagement ? A la première étape du montage. Pour moi, c'est mettre en synchro toutes les caméras et de les regarder toutes en même temps.

Philippe Nègre : Avec un système professionnel, il faut savoir que normalement, les 7 caméras auraient été synchronisées dès le départ du concert. Comme on est plus débrouille, système D, il faut resynchroniser en post-production ce qui n'est pas un cheminement de production classique. C'est aussi un travail supplémentaire à faire qui n'est pas extrêmement long mais qu'il faut faire.

Nicolas Robin : Je me souviens la première fois où j'avais commencé à synchroniser les premiers morceaux – tu étais là d'ailleurs – et que l'on voyait 4 caméras en même temps : "c'est super bien, c'est beau, ils sont magnifiques", j'ai eu les premières certitudes, je ne m'étais pas trompé sur Benjamin qui était vraiment tombé amoureux de Ben. Il est beau et charismatique. C'est plus difficile de filmer Nikko qui a les cheveux dans la gueule.

Philippe Nègre : Tu dis ça, mais Slash (ndlr : guitariste des GunsN' Roses, ça ne t'aurait pas dérangé de le filmer, les cheveux dans la gueule ! (rires)

Nicolas Robin : Ouais mais Slash, c'est parce que c'est mon guitariste préféré au monde ! (rires)

Il y a longtemps alors…

Nicolas Robin : Bah oui, et alors ? J'ai droit d'être vieux ! (rires)

La réalité du montage

Ce travail collectif, cela a été partagé avec tout le monde ?

Nicolas Robin : Ah oui ! Dès que je pouvais le montrer, je le montrais. J'avais montré le morceau "Allée des tilleuls" qui était monté un peu nerveux. Je l'ai montré à ma femme qui m'a dit : "c'est nul". (rires)

Ambiance.

Nicolas Robin : Et j'ai tout refait.

Philippe Nègre : Et là, on dit bravo à Nicolas parce que c'est difficile de croire et d'avoir suffisamment de recul dans son travail.

Nicolas Robin : J'ai tout refait parce qu'elle avait raison. C'était trop violent dès le départ. Il fallait un petit moment d'attente avant de partir sur ce que je voulais vraiment. Il fallait au spectateur un temps d'adaptation. Je me suis servi de ce morceau et de cette critique pour faire cette progression, pour que le début ressemble à quelque chose de plus classique et qui, à la fin du morceau, va sur ce que je veux montrer : une certaine énergie, principalement.

Philippe Nègre : Et là, on revient à la première difficulté du montage, surtout quand on a réalisé soi même les images, c'est d'avoir ce recul finalement. Normalement, on prend un autre monteur quand on est réalisateur afin d'avoir un filtre. Quand on est son propre réalisateur, il n'y a plus de filtre : on est dans son idée, on ne sait plus quoi jeter vraiment, on fait le truc à fond. Heureusement que Kyoko l'a sauvé quelque part en lui disant ce n'est pas bon et cela lui a permis d'avoir le recul nécessaire afin de "réajuster le tir".

Se dire il faut une progression dans le live, que ça commence plus doucement, s'adapter au morceau, chaque chose ne doit pas avoir le rythme, etc. C'est vrai que c'est une plus grosse difficulté du montage, je crois et c'est ce qui fait aussi mine de rien – je prêche aussi ma paroisse – sont aussi des artistes de l'ombre.

Tu as réalisé le clip que tu as monté ?

Philippe Nègre : Oui et c'était une grosse erreur. C'est là où je me suis trompé : je disais tout à l'heure qu'il y avait deux clips en un. Un monteur aurait été avec moi aurait dit : ça, on s'en fout, on dégage. Alors que moi je suis à l'écriture, je suis à la réalisation, je suis au montage. C'est mon plus gros regret d'ailleurs. Je ne suis pas extrêmement fan de ça après coup, j'ai l'impression d'avoir trop dilué mes idées et que c'est trop fouillis.

Tu n'as pas essayé de le refaire ?

Philippe Nègre : Si mais sous d'autres formes, avec une autre musique et d'autres choses. C'est le temps de digérer. Cela a été fait vraiment dans l'urgence parce qu'il me semble que l'on a eu deux semaines après le tournage avant le rendu final. C'est très peu de temps surtout quand on travaille tout seul sans argent. Normalement, le montage d'un clip prend 3-4 jours ; comme on est tout seul, cela ne prend plutôt 5-6 et que derrière, il faut gérer l'étalonnage, la transformation.

Le travail a été fait dans l'urgence et la digestion a été trop longue parce que je le considère un peu comme un semi-échec à titre personnel. Manu en est très contente, enfin il me semble. Elle est au final plus touchée par le clip que moi. Forcément, j'ai un regard particulier vis-à-vis de mon travail, j'ai des regrets par rapport à ce que je voulais exprimer et je pense que je l'ai mal fait.

Quelle que soit l'expérience que l'on fait, c'est toujours un enrichissement personnel. C'est peut-être mon côté égoïste mais sinon je m'ennuie. Je n'ai pas cette capacité à faire plaisir aux gens, la pression prend le dessus. N'étant pas sûr de moi, j'ai plus peur de l'échec que de l'idée de faire plaisir.

Nicolas Robin : J'étais en train d'y penser, il y a plein de choses que je n'aime pas, il y a des gros ratés. Le regard non professionnel qui reçoit le truc est très important. Une fois avoir mis en place ce système de progression, Kyoko m'a dit qu'elle comprenait ce que je voulais faire et où je voulais aller.

Philippe Nègre : Cela me fait marrer le fait de montrer des choses qui ne sont pas complètement finies quand on est en montage parce qu'il faut savoir que les gens n'ont aucune conscience de ce que l'on est à portée et à quel niveau de l'accomplissement du produit. Si on a des idées en tête en tant que monteur, tant que ce n'est pas sur l'écran, cela ne peut pas être accepté, donc on est jugé par rapport à l'état d'avancement comme si c'était quelque chose de définitif.

Nicolas Robin : On a beaucoup bossé avec des clients et on en voit des vertes et des pas mûres. Il y a des gens qui ne comprennent rien à l'image.

Philippe Nègre : C'est vrai que c'est quelque chose d'assez magique. Comment on peut demander à quelqu'un face à un résultat, face à des images qui s'enchaînent, qu'on lui explique que ce n'est pas fini, comment il peut, malgré tous les beaux discours que l'on peut avoir autour, s'imaginer un produit final s'il n'a jamais été derrière une machine un jour ? C'est impossible, cela demande de la pratique. Mais c'est vrai, on peut voir tout de suite si les directions sont bonnes ou pas et c'est à nous de faire le tri en tant que monteur.

La satisfaction

Et ta satisfaction sur ce DVD ?

Nicolas Robin : Ma satisfaction, c'est que le DVD soit sorti. Il existe. Beaucoup de satisfactions : le making of est sorti et a une existence. J'avais travaillé longtemps dessus, dans des conditions un peu particulières, je suis heureux qu'il est une vie et pas seulement sur mon ordinateur, coincé entre 4 fichiers.

Philippe Nègre : Et là où je suis un peu déçu, c'est que le live de Manu, c'est la première fois où l'on a un but avec Sinh Vu Do, passionné d'images, c'est la première fois que l'on arrive à travailler tous les trois ensemble. Et ce n'est pas rien parce que ça fait plus de 10 ans que l'on essaie. Je suis déçu parce que tu n'en parles pas.

Nicolas Robin : Justement, tout à l'heure, je ne suis pas arrivé à aller jusqu'au bout de ce truc là d'ailleurs. Je ne sais pas comment on a fait pour zapper cette histoire (rires). Je voulais avoir quelque chose de différent au niveau montage au deuxième rappel, parce que c'était "la surprise" avec des invités. Je voulais avoir une autre teinte, différente de ce qui avait été construit avant, c'est pourquoi j'ai demandé à Philippe de monter ces trois derniers morceaux. Il a choisi une autre optique, un autre exercice.

Et le fait de vouloir travailler ensemble tous les trois ?

Nicolas Robin : C'est une très longue histoire. Avec Philippe, on se connait depuis au moins 10 ans, nous sommes trois amis : Philippe Nègre, Sinh Vu Do et donc moi. Effectivement, cela fait longtemps que l'on essaie de faire des choses ensemble.

Philippe Nègre : On a essayé de faire un collectif il y a 8 ans, cela doit dater de 2003 ou 2002. Cela a été un échec dû à nos égos surdimensionnés de l'époque.

Nicolas Robin : On a ses défauts. Dans ce métier, si on n'a pas d'égo…

Ce n'est pas une occasion qui vous a manqué.

Philippe Nègre : L'occasion était là et on arrive à travailler ensemble, maintenant ! Wahouuu !!! J'avais travaillé avec Sinh séparément sur le clip de Manu : il était chef opérateur sur le clip et il m'a aidé sur la transformation. Nicolas avait travaillé avec Sinh séparément aussi. Mais, tous les trois ensemble, jamais.

Maintenant, c'est chose faite.

Philippe Nègre : Même si je suis arrivé beaucoup plus tard sur le processus du DVD. A la base, tu m'avais demandé que je monte entièrement le concert.

Nicolas Robin : Au début, oui parce que je voulais me séparer du côté extérieur.

Philippe Nègre : Mais j'ai refusé quand même, je me suis dit je le laisse dans sa merde.

Et les trois derniers morceaux alors ?

Nicolas Robin : Je les ai confiés à Philippe Nègre. Tu as voulu travailler différemment et je ne voulais pas intervenir.

Philippe Nègre : Déjà, on ne monte pas du tout de la même manière. Quoi qu'il arrive, chaque monteur a son style. Au contraire de Nicolas qui a travaillé en montage pur et dur, c'est-à-dire qu'il a repris chaque plan de chaque caméra, il les a posés sur une time line pour le morceau final, je me suis dit si j'avais eu une régie, j'aurais voulu travailler en live. J'ai pris mes 7 caméras, je les ai fait jouer les 7 en même temps et je montais en direct comme si j'avais une régie vidéo. J'ai fait ça 2-3 fois, j'ai assemblé les meilleures parties de chaque morceau avec ces trois passes là et j'en ai fait deux morceaux finaux. C'est un peu comme un jeu vidéo,comme un guitar hero de la vidéo : on voit toutes ces images défilées, il faut choisir exactement au bon moment ce qui nous parait le mieux - parce que c'est du temps réel -, et poser sur la time line tout en essayant d'être synchronisé avec la musique.

Ce qui a de marrant, c'est que j'ai proposé ce jeu à tout le monde et il n'y en a qu'une seule personne qui ait refusé de jouer, c'est Nicolas Robin. Manu l'a fait, Patrick Giordano l'a fait, Sinh Vu Do l'a fait et plein d'autres gens l'ont fait. Au final, j'avais 15 montages de personnes différents. Ce qui était très intéressant, c'est que finalement, les 15 montages étaient complètement différents mais ils avaient tous des plans en commun et des sensibilités qui globalement étaient toutes différentes.

Encore une fois, c'est un travail colossal, quand même.

Philippe Nègre : Non, moins que ce que fait Nicolas. Nicolas, lui, n'a pas une vision des 7 caméras globales et n'en a qu'une à chaque fois. Il est obligé d'aller chercher chaque plan, un par un et même parfois de tricher dans le temps : prendre des plans qui sont plus loin dans le temps. Ce n'est pas un problème en soit.

Nicolas Robin : J'ai dû le faire trois fois en tout. J'étais obligé parce que malheureusement, j'avais besoin de telle image et je ne l'avais pas.

Philippe Nègre : Et moi je vais me plaindre, parce que j'aime bien me plaindre : on reste dans un travail de personnes humaines et les humains fatiguent. Quand les gens entendent le mot rappel, tout le monde est fatigué que ce soit le mec qui fait la lumière du concert, que ce soit les musiciens, que ce soit le ou les cadreurs pour le coup. Cet épuisement là, on le sent, on le voit et ça c'est vrai. Il y a des choses contre lesquelles on ne peut pas lutter, même en montage. On a beau faire semblant, l'épuisement existe et du coup c'est chouette. C'est ma petite précision et j'aime bien ça. Le milieu du concert est beaucoup plus énergique que la fin parce que l'ambiance est à son paroxysme.

La surprise

Nicolas Robin : C'est le morceau qui fait ça aussi : tu ne peux pas avoir la même énergie sur "T'es beau, t'es con" que "Dans tes yeux" ! J'avais voulu faire une surprise à mes cadreurs et ils ne savaient pas que Patrick Giordano allait monter sur scène. 5 cadreurs sur 7 n'ont pas pu s'empêcher de le filmer.

Philippe Nègre : Ils étaient fans, ils étaient tous tombés amoureux ce qui fait que d'un coup, tu as quoi à monter ? Tu as Patrick Giordano ! Et bah c'est dommage !

Nicolas Robin : Malgré les indications que je leur avais données.

Philippe Nègre : Ils craquent, les cadreurs étaient rincés !

Cela fait peut-être partie aussi de cette heure et demi passée.

Philippe Nègre : Cadrer est quelque chose de très physique, les gens ne s'en rendent pas compte.

Nicolas Robin : Il faut imaginer avoir, suivant la caméra, entre 3 et 10 kilos sur l'épaule pendant 1h30 voire 2 heures.

Philippe Nègre : Comme du tir de précision, cela demande des gestes très souples, pour que cela ne soit pas saccadé, avec un minimum de gestion de gestuelle corporelle précise.

Nicolas Robin : Je suis en train de me rendre compte que je n'ai pas répondu à l'une de vos questions par rapport au temps réel du concert. En fait, cela s'est imposé tout seul. Il est vrai qu'il y a certains trucs que j'aurai voulu enlever : les hésitations de Manu mais garder le côté loge, avoir le parallèle audio du public / vidéo du groupe en coulisse. C'est quelque chose qui me plaisait. Même si je me souviens que tu voulais enlever l'enfant mais… (rires)

Philippe Nègre : Moi je ne veux pas d'enfant à l'antenne, cela ne rime pas avec rock'n roll pour moi. Par contre, la loge est un endroit sacré pour le spectateur : c'est comme le vestiaire au football, ce n'est pas un endroit que les gens sont sensés connaître. Forcément cela a un impact, c'est super poétique ce qui se passe parce que c'est là où les gens deviennent humains, ils ne sont pas sur scène. Ils sont en train de vivre leur stress, ils sont en train de boire un coup, d'essayer de se congratuler. Forcément, c'est un moment fort émotionnellement et c'est une évidence qu'il fallait montrer.

Nicolas Robin : C'est bête à dire mais quel que soit le concert, je me souvenais de Peggy qui filmait toujours les loges. Ce n'est pas montré pareil mais il y a toujours l'entrée sur scène, de toute façon. J'avais dit à Julien que je voulais qu'il les suive et qu'il ne les lâche jamais.

Philippe Nègre : D'ailleurs, on va encore faire un petit hommage à Julien. Décidément, j'ai beaucoup aimé son travail. Julien ne connaissait pas forcément le groupe, c'est un de ceux qui le connaissaient le moins bien. Etre un bon cadreur, c'est parfois être invisible et lui a parfaitement réussi parce qu'il arrive à capter des images où il n'y a pas de cadreur, les gens sont naturels, c'est d'autant plus fort que le groupe ne le connait pas vraiment. Enorme respect pour Julien là-dessus.

Nicolas Robin : C'est quelqu'un de vraiment très intéressant. C'était mon stagiaire à la base, il y a longtemps. Je l'ai vu bosser, je l'ai vu avancer et il m'a appris des choses.

Est-ce qu'il y a au final des images montées qui n'ont pas été conservées dans le DVD ?

Philippe Nègre : Moi, aucune ! (rires)

Nicolas Robin : Il y a des choses que j'ai recadrées.

Philippe Nègre : Ce que je n'ai pas fait. C'est un aspect technique assez intéressant.

Nicolas Robin : Tu avais tout converti en DV PAL et tu ne pouvais pas zoomer sur les caméras DV.

Philippe Nègre : Comme on est parti avec plein de formats différents, il y avait deux caméras en HD. Nicolas a pu, avec sa méthode de travail, recadrer à la dimension finale du film, donc en SD. Cela lui permettait d'avoir finalement pas 7 caméras mais quasiment 8 et demi en gros.

Avec ma méthode de travail, je ne peux pas faire ça : mon cadre est mon cadre, je ne peux pas zoomer dedans parce que je suis obligé de dire tout le monde travaille dans la même définition, donc je suis obligé de réencoder tous les formats HD en SD pour les jouer en même temps. J'ai pris le parti de perdre cette dynamique là possible, cette bouée de sauvetage finalement.

Nicolas Robin : Pour moi, c'était important, c'est pour cela que j'avais mis les deux caméras HD du côté de Manu. Il fallait que j'assure mes arrières, d'autant plus qu'il y a eu un problème : il y a un cadreur qui est arrivé en retard, au tiers du concert et qui était normalement ma sécurité sur Manu.

Effectivement.

Philippe Nègre : Il fallait qu'il ait une bonne excuse.

Nicolas Robin : J'ai dû dire à un cadreur qui était devant de cesser ce qu'il faisait. Malheureusement, c'est un des cadreurs qui devaient s'occuper de Nikko, du coup on le voit moins.

Il y a eu des initiatives des cadreurs ?

Nicolas Robin : Une autre grosse erreur, je m'en veux parce que c'est un reproche que l'on beaucoup fait, c'est que l'on ne sent pas assez le public, ce qui n'est pas faux. Si la caméra avait été plus basse, il y aurait eu une espèce d'immersion. Je m'en veux vraiment pour ça. Le concert n'est pas parfait, loin de là…

Philippe Nègre : Il n'y a aucun concert parfait en prise de live.

Nicolas Robin : Là où je suis content, quand on regarde le DVD, on a la sensation que l'on est dans la salle et c'est ça que je voulais. Je pense que n'importe qui aurait pu faire ce que j'ai fait.

Philippe Nègre : Rhoooo. Ca c'est Nicolas, c'est son côté japonais.

Nicolas Robin : Il y a le côté insatisfait mais il y a le côté réaliste : poser ses cadreurs dans une salle, c'est assez facile.

Philippe Nègre : Franchement, Nicolas, tu es arrivé à un niveau de confiance avec Manu et le groupe qui est suffisamment important pour que tu ne puisses pas dire que tout le monde aurait pu le faire parce que ça reste quand même une relation de confiance.

Retrouvez la quatrième et dernière partie de l'interview de Nicolas & Philippe Nègre ici.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La première partie de l'interview de Nicolas Robin & Philippe Nègre
La deuxième partie de l'interview de Nicolas Robin & Philippe Nègre
L'interview de Manu (octobre 2010) par David

En savoir plus :
Le Myspace de Nicolas Robin
Le Myspace de Game Productions

Crédits photos : Thomy Keat (Toute la série sur Taste of Indie)


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