"Love is all, love is you…". Comment résister à une telle déclaration d’amour ? Comment résister à une telle déflagration de douceur et de délicatesse musicales ?
La prestation des Villagers, formation irlandaise plus inclassable qu’on ne le pense, bien au-delà de l’indie folk dans lequel on a vite fait de les ranger, était proche de la perfection ce jeudi soir à la Maroquinerie. Mettre une salle dans un état de grâce, avec une simplicité déconcertante, sans artifices, simplement avec des voix, des textes touchants et une orchestration musicale époustouflante, c’est un moment rare. J’ai rarement vu et entendu ça, ça dépassait même l’entendement…
Emmené par Conor O'Brien, leader délicat et chanteur hors pair, réussissant à rendre solaires des textes assez sombres, une section rythmique, contrebasse / batterie, qui joue vraiment son rôle, qui donne le "la" à la musique, des échanges entre cuivres et cordes de toute beauté, cor anglais qui répond à la harpe irlandaise, ce mélange à l’effet auditif si puissant entre les cuivres et les cordes que l’on retrouve aussi bien chez les Pale Fountains, Jack, les Kinks, Belle & Sebastian ou les Tindersticks.
Longtemps partenaires de ces derniers sur les tournées, parrains de luxe de cette grande famille des "orchestres" qui savent si bien marier diversité vocale et instrumentale, créant un état d’émotion palpable, une atmosphère à la fois mélancolique et joyeuse, donnant surtout toute sa force à la musique. La musique, ça se joue et ça s’écoute, point barre ! Un quatrième album au titre empreint de poésie, de mystère : Where have you been all my life ? (Domino) avec des titres grandioses, sophistiqués ou désarmant de naturel comme "Courage" ou "The waves".
On touchait aussi ce soir-là l’âme irlandaise, ce peuple de musiciens aussi discrets que classieux qu’ils s’agissent de Sean O’Hagan, Neil Hannon, ou tous ceux qui ont l’Irlande dans les gènes chez les musiciens du monde entier. "Irish Blood, English heart", ce titre de Morrissey le symbole de cette bi nationalité musicale, de ce métissage auquel peuvent se revendiquer bon nombre de songwriters et de musiciens du nord de l’Angleterre. L’Irlande est un village, le "Village green" qui préserve cette petite société où la musique est l’âme de ce pays et les Villagers les meilleurs ambassadeurs.
Plus qu’une claque ce concert, ce fut une véritable caresse.
Chez Froggy's on préfère les chanteurs peints en bleu que les présidents peints en orange. Mais comme on n'y peut rien, il ne reste qu'à attendre et lutter avec les moyens du bord: la culture. C'est parti pour le programme de la semaine.