Encore une exception française : la généalogie. Parfois plusieurs fois par jour, parfois rien pendant un mois, puis de nouveau plusieurs fois par jour (au cas où je dise n’importe quoi), on me demande : "vous n’êtes pas de la famille de machin ?", ou bien "la famille truc à bidule-ville, c’est des parents à vous ?". Mais après tout, pourquoi leur en vouloir puisque je fais la même chose : quand on me dit Liz Cherhal, je réponds : Jeanne Cherhal ?

Et oui, les Cherhal sont une famille, Jeanne n’a pas l’exclusivité du nom, et la génétique trompe rarement : les filles sont vives, salées, piquantes, enjouées et chantent le cynisme avec tendresse, le malheur avec le sourire. Quel talent ! Il est arrivé quelque chose, le premier album de Liz Cherhal est un régal avec des pépites d’espièglerie.

14 titres, 46 minutes de musique trop courtes pour ceux qui aiment les petites histoires arrangées sur des musiques. Des textes écrits à la première personne qui sentent le vécu à plein nez, "Un matin" raconte tour à tour les déboires de l’amour chagrin puis de l’amour sensuel et de l’amour charnel qui ont passé leur tour, et ont fini dans un mixeur, et son auteur en prison… Morale : "en amour, je comprends que dalle !".

"Je t’aime à la folie furieuse", au point de mettre le feu à sa voiture pour lui montrer que celui qui brûle dans son cœur est plus grand ! "Tu vas bien… nous chanter une chanson" lui demande-t-on à la fin d’un repas de famille, oui, mais "qu’est-ce que vous me demanderiez si j’étais une p** ?". Oui, je suis d’accord, elle exagère, mais pour en faire autant, je suis grandement d’accord avec elle, c’est en exagérant au maximum, c’est derrière les traits forcés que se trouve une mine de situations hilarantes et décalées.

Liz Cherhal sait aussi user de poésie, dans "C’est une occasion", en forme de promesse de vivre chaque jour à ses côtés comme un moment exceptionnel, de ces moments pour lesquels on sort les beaux habits du dimanche. Quelques titres plus loin, toujours l’amour, porté à sa maman ("Quand je regarde la mer"), pour cette terre qui continue de tourner, malgré l’absence, les vagues qui s’en vont et d’autres qui viennent sans cesse.

Le troisième versant de Liz Cherhal est une sensibilité cachée derrière un humour parfois cruel : "La marmite" dans laquelle elle fait cuire un ancien amant qui boue et fait des bulles, ultime supplice de femme vengeresse et "La caboche" à propos des envies de suicides d’un handicapé.

Et la musique ? Oui, c’est vrai, la musique sait se faire oublier, tout en étant très présente, comme les émotions, des instruments classiques (hautbois, bassons, timbales, grosse caisse, chorale) et des programmations rythmiques faites par ordinateur, avec des accordéons et des guitares électriques. Tout y est, tout s’y mélange, s’accordant aux textes pour les porter plus haut. Liz Cherhal m’a fait penser à Carmen Maria Vega, parce qu’elles ont toutes les deux la même facilité à mélanger le théâtre et la musique, le chant et la comédie, pour le plaisir des sens.