Monologue dramatique d'après l'oeuvre de Jonathan Swift dit par Vincent Voisin dans une mise en scène de Enora Boëlle.

"Modeste proposition", au demeurant réussie et à l'effet assuré, et format court pour cet opus en forme de mini-conférence aussi drôle que dérangeante proposé par la Compagnie Joli Collectif à partir d'un texte pamphlétaire datant du 18ème siècle.

Dû à la plume satirique de l'écrivain irlandais Jonathan Swift, sans doute plus connu pour son roman "les voyages de Gulliver", ce texte, dont le titre complet est "Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres d'être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public" constituait, par la voie de la métaphore saisissante, la dénonciation virulente de la misère sociale des Irlandais sous domination britannique, le cannibalisme du mécanisme économique et une certaine conception de l’être humain.

En effet, pour endiguer la prolifération d'enfants de pauvres, de mendiants et d'errants dont la majorité est vouée à la misère voire à la mort, la solution radicale pour les "rentabiliser" de manière gagnant-gagnant, pour leurs géniteurs irresponsables comme pour la société, consiste à considérer les nourrissons tout juste sevrés comme des veaux de lait destinés à l'abattoir pour figurer ensuite sur la table des nantis gastronomes et le menu des restaurants étoilés.

Sous la direction de Enora Boëlle, avec slides à l'appui, l'officiant, Vincent Voisin, comédien, performeur et vidéaste, campe un docte conférencier aussi loufoque qu'inquiétant qui puise dans le registre tant du prédicateur hypnotique que de l'orateur roué.

Avec quelques actualisations judicieuses, ce texte entre, de manière provocatoire, en résonance avec un nouveau millénaire placé sous le signe de la paupérisation aggravée par l'accroissement des inégalités et le phénomène nouveau de la précarisation, de l'économie marchande qui intègre la vie humaine comme un rouage productif au même titre qu'une machine et du génie génétique qui favorise l'objetivation de l'enfant entendu comme un élément de réalisation narcissique de soi.