Comédie dramatique inspirée de la pièce éponyme de Lars Norén, mise en scène par Lorraine de Sagazan, avec Lucrèce Carmignac, Antonin Meyer Esquerré, Jeanne Favre et Benjamin Tholozan.
On ne compte plus, ces dernières années, les adaptations françaises de la pièce de Lars Noren, "Démons".
Texte d'une grande force sur la désagrégation d'un couple qui "s'aime mais ne se supporte pas", il trouve désormais sa place entre "Nous ne vieillirons pas ensemble" de Maurice Pialat,"Qui a peur de Virginia Woolf ?" d'Edward Albee ou "Scènes de la vie conjugale" d'Ingmar Bergman
A la différence de ces œuvres célèbres, dans "Démons" il n'y a pas que le spectateur des pièces ou des films qui est témoin extérieur au conflit de Frank et de Catherina, puisque le "couple infernal" invite un couple de voisins à assister à leur pugilat quotidien en phase terminale.
Dans son adaptation, Lorraine de Sagazan a voulu aller encore plus loin. En prenant le parti-pris d'une scène bi-frontale, elle a transformé le plateau en une espèce de ring ouvert et donné au public présent le rôle des voisins venant assister à la bagarre entre les deux protagonistes. Ceux-ci, dès lors, n'auront de cesse de mêler leurs auditeurs à leur trafic de sentiments en interpellant directement leurs paisibles auditeurs.
Si l'on n'aime pas que la barrière étanche entre spectateurs et acteurs saute, mieux vaut ne pas assister à cette espèce de "happening" qui peut tourner à l'interrogatoire ou à la manipulation. Car, bientôt, on découvrira que, parmi le public, il y a deux comparses, deux "voisins acteurs", histoire de reformer le quatuor initial de Lars Noren, et que ce sont eux qui monteront finalement sur scène pour poursuivre ce "jeu de la vérité" conjugal.
En révélant ce dispositif un peu naïf, il est fort possible qu'on en change le sens. Prévenus, les spectateurs pourraient donner plus de fil à retordre aux deux comédiens, les obligeant à élever leur niveau en impro. Pour l'heure, on regrettera que Lorraine de Sagazan ne se soit pas concentrée totalement sur leur affrontement.
Lucrèce Carmignac et Antonin Meyer Esquerré sont excellents dans ce duel à fleuret guère moucheté imaginé par Lars Noren. Les distraire de son texte n'était pas nécessaire. Pour eux et leur grand talent, il faut cependant prendre le risque de ce théâtre inutilement hybride. |