Pièces courtes d’après des nouvelles de Raymond Carver, adaptation et mise en scène de Sylvain Maurice, avec Anne Cantineau, Danielle Carton, Rodolphe Congé, Jocelyne Desverchère, Pierre-Félix Gravière et le musicien Dayan Korolic.
Comme le film de Robert Altman, "Short Cuts" (1993), le spectacle de Sylvain Maurice, "Short Stories", est un hommage à l'univers du nouvelliste étasunien Raymond Carver, qui aimait raconter la banalité quotidienne de ce qu'on appelait jadis des "petits bourgeois" saisis dans cette "Amérique profonde", adepte des barbecues et des tromperies entre amis. A la différence du cinéaste, auteur d'une œuvre impitoyable sur son pays, tellement critique et mordante qu'elle est pour l'heure refoulée par ses compatriotes, Carver n'était pas un moraliste acerbe. Il avait de l'indulgence pour ces "braves gens", ne les considéraient pas de haut en décrivant leurs petits travers. C'est ainsi que Sylvain Maurice aborde Carver avec six de ses nouvelles, en les enchaînant les unes après les autres sans chercher à les lier artificiellement. Au contraire, grâce à la musique de Dayan Koralic à la basse, les petites histoires se suivent sans s'entrechoquer. Il suffit de poser ou de ranger une table où seront posés les verres des convives d'une petite soirée entre amis. Pas vraiment de décor donc, mais en arrière-plan, une espèce d'arche lumineuse comme celles qui entouraient les écrans des grands "palais du cinéma" d'antan, ceux qu'on imagine projetant "le ciel peut attendre" de Lubitsch, dans un beau technicolor fraîchement sorti des années quarante.
"Short stories", c'est une succession de petits instantanés bienveillants, parfois nostalgiques de l'Amérique des petites villes avec des maisons sans clôture, et des petits personnages à la recherche d'un bonheur tout simple, où ne viendrait pas poindre des problèmes d'alcoolisme ou de surpoids. La petite troupe imaginée par Carver prend forme dans les costumes évocateurs d'Olga Karpinsky. Les cinq acteurs (Anne Cantineau, Danielle Carton, Rodolphe Congé, Jocelyne Desverchère et Pierre-Félix Gravière) jouent leurs rôles successifs comme s'ils se nourrissaient de leurs incarnations antérieures, mais en ne gardant en eux que leur légèreté. On s'approche aussi parfois l'univers de Truman Capote, effleuré par une très belle reprise de "Moon River", la chanson qu'Audrey Hepburn interprétait dans "Diamants sur canapé" (Breakfast To Tiffany's) de Blake Edwards. C'est aussi dans cet univers mélancolique que Sylvain Maurice a placé ces "petites histoires", ces "Short Stories" qui s'envolent les unes après le autres comme des bulles de savon. Ce joli spectacle qui donne envie de lire Raymond Carver est comme une parenthèse dans un pays plus plaisant que la réalité. |