Pour sa deuxième exposition, la Pinacothèque de Paris propose de découvrir l’œuvre de Chaïm Soutine à travers de nombreuses toiles dont la plupart émanent de collections particulières donc rarement montrées.
Peintre à la personnalité tourmentée, entouré d'une légende d'artiste maudit alors qu'il connut de son vivant un succès international, précurseur de l'expressionnisme abstrait, Soutine a laissé une oeuvre atypique, inclassable, d'un expressionnisme violent et coloré qui soulève des questions encore non résolues.
Marc Restellini, historien d'art et directeur de la Pinacothèque de Paris, qui assure le commissariat de cette exposition, s'interroge ainsi : "Soutine, le fou pur venu de Smilovitchi qui montrera la voie à Bacon et à Pollock, ne serait-il pas le
sauveur de l’art moderne ?"
La réponse est peut être dans le sous sol en dédale de a Pinacothèque où sont exposées les toiles dans un parcours chronologique qui commence avec quelques toiles au 1er étage.
Parcours circonvolutionnaire en raison du grand nombre d’œuvres qui dresse un panorama complet de l’œuvre de Soutine de la fureur à l’apaisement.
Quel que soit le registre, paysages, nature morte ou portraits, Soutine se bat avec ses démons et avec la matière.
Des paysages hostiles
Point de bourgade riante sous le pinceau de Soutine. En terre étrangère, dans un environnement qui lui déplait, les arbres se tordent dans des spasmes convulsifs, les maisons se plient et le sol se dérobe sous les pas de la petite silhouette noire, le petit personnage errant, submergé par une explosion chromatique.
Le vert, le rouge et le jaune explosent sous les yeux dans cette vision à la manière d'un miroir concave qui rappelle également l'expressionnisme allemand.
Des natures mortes saisissantes
Point de natures mortes délicates mais la charogne. Carcasses dépecées, lapin écorché, volailles strangulées, les natures mortes de Soutine sont poignantes, exsudantes, terrifiantes. Et le sang, le sang des abattoirs, le sang des animaux sacrifiés, le sang versé qui semble sourde de la cathédrale de Chartres
Vison prémonitoire du flot de sang par lequel la vie s'échappe, comme celui qu coule de l'ulcère perforé qui l'emportera prématurément.
Des portraits habités
Soutine, visionnaire et démiurge, traque la réalité cachée des petites gens. Il malaxe la peinture en couches épaisses pour donner corps à la chair des visages pathétiques ou grotesques, personnages aux mains disproportionnées, monstrueusement tordues, au regard asymétrique toujours pénétrant.
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