A
l'occasion du centième anniversaire de la naissance de
Henri Cartier-Bresson, Agnès Sire,
directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson
a initié une exposition qui sort des sentiers battus
en ce qu'elle s'écarte de la conventionnelle rétrospective.
Elle associe les oeuvres de deux des grands maîtres de
la photographie du XXe siècle, Henri Cartier-Bresson
et Walker Evans, au terme d'une mise en correspondance thématique
qui n'a rien d'artificiel ni de purement théorique.
En effet, ils se sont rencontrés en 1935 lors de leur
exposition commune à New York et se vouaient une admiration
réciproque. Walker Evans voyait en Henri Cartier-Bresson
le plus grand photographe du moment, "un homme de l'oeil"
et ce dernier écrivit, phrase mise en exergue de l'exposition,
"Sans le défi que représentait le travail
d’Evans, je ne pense pas que je serai resté photographe".
Cartier-Bresson a dansé sur
les pas d'Evans*
Par ailleurs, l'Amérique constitue leur thématique
fondatrice commune. Fondatrice, bien évidemment, pour
l'américain, le pionnier de la photograhie documentaire,
mais également pour le français, inventeur du
concept de l'instant décisif, en lui ouvrant de nouveaux
champs de vison et révélant son esthétique.
"Henri
Cartier-Bresson - Walker Evans - Photographier l'Amérique
1929-1947" entraîne le visiteur dans l'Amérique
des années de crise, des métropoles aux petites
villes du Sud.
Les tirages d'époque s'interpellent au sein d'une sélection
rigoureuse et d'un accrochage que Agnès Sire a conçu
de manière très interactive en ce qu'elle ne procède
pas par appariement de cliches mais par juxtaposition.
Ce qui incite le visiteur à avoir un comportement dynamique
et une attention aiguisée pour en découvrir et
en apprécier tant les lignes communes que les points
de rupture.
Walker Evans, observateur de l'intérieur, qui
immortalise "ce dont le temps présent aura l'air
au passé", choisit une photographie brute et factuelle
soutendue par des préoccupations socio-politiques qui
ne raconte rien d'autre que ce qu'elle montre.
Il excelle à brosser le quotidien des laissés
pour compte de l'american way of life.
Henri Cartier-Bresson, l'étranger, le touriste,
photographie l'instant, souvent l'instant poétique, avec
une composition picturale serrée.
Les clichés sélectionnés mettent particulièrement
en évidence sa vision tragique de l'humain qui, en l'occurrence,
rend particulièrement tangible et sensible, d'une manière
différente de celle d'Evans, le dénuement social
de l'Amérique de l'immédiate après seconde
guerre mondiale.
Ses portraits sont particulièrement remarquables comme
celui de la vieille femme drapée dans le drapeau américain.
Leur point commun l'humanisme très certainement. |