Seul
en scène écrit et mis en scène par Pierrick
Sorin et interprété par Nicolas Sansier.
Avec "22 h 13", l'heure aléatoire du coucher d'un artiste contemporain multimedia, Pierrick Sorin invite le spectateur à suivre une passionnante journée de non-création d'un homme qui a décidé d'être artiste mais qui n'a non seulement ni idée, ni talent, ni, a fortiori, génie, mais également rien à dire.
En la forme ce qu'il a voulu être un "one man show, entre
théâtre et performance visuelle" à "l'humour, souvent un peu
caustique et une poésie visuelle essentiellement fondée sur
la production de séquences vidéo en direct", consiste à voir
évoluer un individu qui pratique l'art du nettoyage - mais ceci
n'est pas un toc mais un "vecteur de relation au monde et du
rapport au temps" - avant de chercher désespérément une
idée.
D'idée point mais une resucée des courants artistiques du 20ème siècle : il déjeune d'une boîte de conserve, en l'espèce, de petits pois qui, euréka Fluxus !, lui permettent de réinventer l'effet mécanique des ondes sonores, démontre que l'eau possède les mêmes propriétés déformantes que les logiciels informatiques de traitement de l'image, joue avec les hologrammes et les effets spéciaux inventés par Méliès, creuse le sillon de l'action painting et de l'art défécatoire.
Entre temps, comme c'est aussi un comique et un gagman, il procède par film avec incrustation à réaliser des saynètes-sketches bricolés à l'esthétisme emprunté à ceux de "Monsieur Pringle". Car le principe de ce spectacle, qui confine au "best of", comme du travail de Pierrick Sorin, est celui du recyclage : recyclage des oeuvres des autres et même recyclage de son propre travail puisque que se retrouvent dans ce bric-à-brac les motifs qu'il a déjà employés.
Bien évidemment, il est conseillé de dépasser ce stade factuel pour y voir, Pierrick Sorin, étant lui même plasticien et vidéaste, invité dès 2001 à s'exposer à la Fondation Cartier, véritable estampilleur de talents vivants et collectionneur mécène de ce qui sera "la mémoire de demain", et présent dans tous les hauts lieux de l'art contemporain, une entreprise de dynamitage de cette nébuleuse souvent hermétique et plus précisément un questionnement, de l'intérieur donc, de la posture de l'artiste mais également d'auto-dérision.
En d'autres termes, par une mise en abyme, il se moque de lui-même et de son oeuvre. Ce faisant, n'épingle-t-il pas également ceux qui voient en lui un artiste ? Comme dirait Gustave Parking, je vous laisse réfléchir là-dessus...
Sur la durée, la satire, bien éculée déjà, du monde de l'art, du galeriste au collectionneur en passant par l'artiste par la voie de bric-à-brac dans lequel il y a "à boire et à manger", qui déchaînera sans doute l'hilarité des happy few mais ne convaincra sans doute pas la plèbe à l'art contemporain, finit par tourner un peu en rond comme le protagoniste-alter ego de l'auteur dans son décor de vrai faux atelier.
Pour se représenter sur scène, Pierrick Sorin a jeté les gants, alors qu'il est un spécialiste de l'autofilmage, qui est à la vidéo ce que l'autofiction est à la littérature, et confié son rôle à Nicolas Sansier qui, plus vrai que nature, est tout à fait parfait. |