Par une longévité qui en fait un témoin du 20ème siècle, une abondante production picturale sur huit décennies qui relève de tous les genres et un polyphonie picturale atypique au regard des courants artistiques majeurs de son époque, l'oeuvre de Marc Chagall se prête à toutes les thématiques monstratoires.
Ainsi, au Musée du Luxembourg, la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais présente l'exposition "Chagall - Entre guerre et paix".
Initiée par Jean-Michel Foray, conservateur général honoraire du patrimoine, qui fut notamment directeur du Musée Chagall de Nice, et menée sous le commissariat de Julia Garimorth-Foray, conservateur au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, cette exposition chronologique a pour fil rouge les tribulations de l'artiste impactées par les convulsions de l'Histoire.
Elle comporte une centaine d’œuvres, provenant de musées français et étrangers ainsi que de collections particulières, bénéficiant d'une superbe scénographie conçue par Nathalie Crinière qui transcende un espace relativement restreint en organisant un parcours circonvulatoire en adéquation avec la spécificité d'une oeuvre tenant notamment à la récurrence de ses thématiques.
Chagall, le peintre errant
L'exposition, qui commence avec un autoportrait du peintre et trois chefs d'oeuvre de la période 1914-1917 que sont la "Vue de la fenêtre à Zaolchie", "les amoureux en vert" et "Belle et Ida à la fenêtre" célébrant l'intime, l'amour et la joie, se décline en quatre étapes chronologiques scandées par les pérégrinations du peintre.
Elles commencent avec un retour en Russie au temps de la première guerre mondiale qu'il représente dans une oeuvre graphique sous influence cubiste, saisissante par la maîtrise du trait, qui mène au portrait de l'homme au baluchon flottant "Au-dessus de Vitebsk" et le grand portrait du rabbin de Vitebsk, ville natale de Chagall. Pendant l'entre-deux guerres, après Berlin, Chagall s'établit à Paris.
Il s'épanouit dans l'illustration avec notamment la commande du marchand d’art Ambroise Vollard relative à la Bible - dont sont présentées 12 des 40 quarante gouaches préparatoires aux gravures et 8 eaux-fortes. - qui conforte une de ses thématiques majeures qu'est le sacré.
Pendnat la seconde guerre mondiale et son exil aux Etats-Unis, la tragédie de la guerre et de l'holocauste, et son drame personnel avec la mort de son épouse, assombrissent sa palette ("La guerre", "Le cheval rouge", "L'exode") qui puise cependant dans les couleurs primaires pures à la luminosité puissante pour célébrer le Christ symbole de la souffrance universelle dans le Triptyque "Résistance-Libération-Résurrection".
Son retour en France et son établissement à Vence ouvre une nouvelle ère marquée par la sérénité, celle de l'âge et du coeur à une période moins sombre, qui se traduit par la célébration de la vie et une débauche de couleurs ("Le Champ de Mars", "L'appel à la lune", "La vie", "Monde rouge et noir") avec en clôture d'exposition un tableau emblématique, celui de "La danse", retenue comme visuel de l'exposition.
Cette exposition constitue une invitation à la réflexion sur la manière dont l'oeuvre autobiographique et identitaire de Chagall procède, entre réalisme saisissant et transfiguration, à la représentation de l'Histoire contemporaine et illustre sa polyphonie picturale qui tient à un syncrétisme singulier entre la figuration narrative, le symbolisme et le surréalisme. |