Il est des albums dont la genèse et le lieu d’enregistrement marquent profondément les titres que le composent. Down Like Gold est de ceux-là. Plantons le décor. Deux frères, Michael et David Champion, originaires de l’île de Wight, jouent chacun de leur côté dans plusieurs groupes locaux avant de mettre leur talent en commun en formant Champs. Résidant toujours dans ce lieu devenu mythique depuis le festival qui s’y est déroulé en 1970, ils y enregistrent ce premier album dans un studio situé dans le nord de l’île, au sein d’Osborne House, une résidence d’été de la famille royale britannique.
L’insularité avec son corollaire de repli sur soi, ainsi que la solennité s’invitent ainsi dans les compositions des frères Champion. Le ton est donné dès le morceau d’ouverture, le très cérémonial et mystique "Too bright to shine". Le disque continuera dans cette veine : des mélodies fortes teintées d’une mélancolie et d’une gravité ravageuses. Si les guitares acoustiques apportent une teinte folk à l’ensemble, l’album se situe dans un registre de chansons pop des plus classiques. Il n’y a pas de place ici pour l’esbroufe, les démonstrations de technicité ou la quête de bidouillages sonores et technologiques ; l’accent est mis sur les compositions et les harmonies vocales. Car une des forces de l’album réside dans les voix des deux frères qui s’entremêlent et portent ces chansons en y insufflant un souffle puissant et venimeux.
Au petit jeu des références, nous évoquerons Simon and Garfunkel (les titres "Down like gold" ou "Pretty much (since last november)" par exemple), REM, les Beatles de la période Rubber soul / Revolver, ou dans un registre plus actuel les Fleet Foxes ou Arcade Fire (l’épique "My spirit is broken" et son refrain crève-cœur). L’ensemble est très homogène, seuls quelques soubresauts (telles des notes de piano presque guillerettes sur "Savannah" ou les roulements de batterie de "White Satellite") viendront bouleverser la cohérence et l’ambiance quasi monacale des titres. L’authenticité évidente et la sincérité du propos viennent transcender ce climat faussement apaisé.
Bien loin des considérations mercantiles et des aspirations à incarner une nouvelle tendance musicale recherchées âprement par beaucoup de nouveaux groupes, Champs a trouvé la clé pour bâtir et façonner un album à la beauté austère et intemporelle. Un disque d’artisans à l’attention des amoureux de chansons. |