Transposition scénique de la nouvelle de Samuel Beckett réalisée par Dominique Valadié et Alain Françon.
Sous la plume de l'écrivain et dramaturge Samuel Beckett, et, bien évidemment avec l'ironie désespérée et le particularisme de son approche existentielle du monde et de la vie qui le caractérisent et irriguent son oeuvre, le texte titré "Premier amour", s'il semble ressortir à cette thématique, ne satisfait ni aux codes du genre ni même à sa définition courante.
Et pose même la question sur l'emploi du mot amour pour caractériser la brève liaison quasi opportuniste d'un homme pour le moins introverti et asocial sinon psychotique à qui une femme offre le gîte et le couvert, et plus si affinité, tel un substitut du père qui jusqu'à son décès a assuré et entretenu sa réclusion oisive.
Une situation évoquée par le protagoniste dont la seule (pré)occupation consiste à se répandre en soliloques narratifs assortis d'éructations triviales, de ratiocinations délirantes et de proférations d'anathèmes.
Le metteur en scène Alain Françon et la comédienne Dominique Valadié en présentent une transposition scénique singulière car opérée une voix féminine.
Celle de Dominique Valadié, comédienne exceptionnelle aussi aguerrrie qu'émérite offciant de manière presque paradoxale à la fois comme si elle découvrait la teneur de la partition au fil de son énonciation, avec le mélange de distanciation et d'incarnation du conteur et sans endosser le costume du personnage, ni au sens dramaturgique du terme ni au sens de vestiaire.
Celui-ci, un chapeau melon, d'un veste, d'un pantalon et de bottines éculées posés en regard d'un valise, disposés sur le sol esquisse une silhouette de gisant dont la dépouille a disparu. Car la mort signifiée par un immense crâne en vue plongée en fond de scène a fait sa besogne et du corps parlant ne reste que la trace vocale.
Et avec les lunettes noires fugacement portées, ils opèrent en résonance avec les figures du théâtre beckettien. Comme si tout était déjà dans ce texte écrit en 1946. |