L'air de rien, le label parisien Greed Recordings serait-il en train d'inventer un son du rock à la mode de chez nous ? On s'était déjà émerveillé sur les productions des Cornflakes Heroes et autres General Bye Bye, le septième (!) disque long format de Moonman paru sur le label, pour la première fois accompagné de l'Unlikely Orchestra, semble le confirmer définitivement.
Revenu de l'expérimentation (Pièces pour guitare préparée, trois volumes, 2003, 2004, 2005), Moonman pousse dans la direction annoncée il y a déjà cinq longues années par Necessary Alibis (2006) : un rock enlevé, mâtiné d'une pop volontiers bruyante et sombre plutôt que niaisement lumineuse. À la confluence du Sonic Youth le plus propre sur lui (autour de Daydream Nation, par exemple), de Sebadoh, Pavement et Dinosaur Jr, d'un Blonde Redhead sans hystérie.
Totalement rétro, voire régressif ? Pas seulement, parce que tout cela baigne dans une urgence à l'arrière-goût d'aujourd'hui : quelque chose de terne, de froid, de mort ; plutôt que de pétillant, baigné dans le naïf emportement d'hier. Manière de froideur, de distance, de désaffectation, qui n'est pas pour rien dans la singularité de l'album – et pourra en dérouter plus de deux, qui penseraient y détecter quelque chose d'artificiel, alors qu'il ne faut y entendre que l'aboutissement musical de la désillusion à laquelle la fin du siècle précédent et le début de celui qui a maintenant fini de commencer nous ont condamnés. Revenus de tout, même de la colère. Exit l'enthousiaste fraîcheur indie-punk des eighties et du début des nineties. Bonjour résignation, que vivent les années dix.
On aime, en tout cas, les longues plages instrumentales hallucinées, répétitives, tout juste lo-fi, puissantes. On aime aussi la production abrasive, frontale, faussement naïve, qui rappellera le travail d'Albini, aux manettes ou à la basse (Shellac). Au total : on aime. |