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Beate Grimsrud  (Editions Actes Sud)  mai 2012

Intrigant, fort, passionnant, émouvant, déstabilisant, "Une folle en liberté", roman autofictionnel de l'écrivaine norvégienne Beate Grimsrud, propose au lecteur une immersion dans l'univers psychique d'une femme atteinte de maladie mentale, non pas expliqué par les thérapeutes ou ressenti par l'entourage mais vécu par l'intéressée elle-même.

Une femme qui, à l'instar de l'illustration en couverture de la version française publiée dans la collection Lettres Scandinaves des Editions Actes Sud, a la tête non seulement à l'envers mais dans le bocal en raison d'un grave trouble du comportement.

"Une folle en liberté", titre largement amendé par le récit. Folle, oui au sens courant du terme, mais qui n'empêche pas totalement une relative insertion sociale et surtout, en l'espèce, de mener à bien une vocation intellectuelle qui est celle de l'écriture.

En liberté, oui mais avec de longues et fréquentes périodes d'internement, volontaire ou non, pour juguler des phases de crise aigüe qui débouchent sur des accès de rage et de violences incontrôlées. Et c'est à la sortie d'un internement de 5 années avec le début d'une thérapie cognitiviste avec un nouveau médecin qu'elle entreprend de raconter son histoire.

Pour Eli, 39 ans, qui gagne sa vie comme écrivaine, dramaturge et réalisatrice depuis sa prime jeunesse, et 18 ans de séjours intermittents en cliniques psychiatriques, le diagnostic se décline en une lettre et 3 chiffres : F23.1 - psychose polymorphe à composante schyzophrénique.

Quand et pourquoi tout a-t-il commencé ? Seul Dieu le sait et de Dieu il est souvent question dans ce récit. Car dans un environnement religieux rigoriste, la composante mystique n'est pas à écarter, non seulement parce que son prénom signifie "Mon Dieu "en hébreu, et l'attitude face à Dieu est, comme pour tous les autres aspects de la vie d'Eli, ambivalente ("Je ne crois pas en Dieu mais j'ai peur qu'il existe", "Je suis remplie de voix mais pas de Dieu").

Dès le premier âge, au sein d'une famille mutique ("Ils tiennent le quotidien à bout de bras comme un toit. Pour qu'il ne pleuve pas à l'intérieur. Pour ne pas se désintégrer"), comme son frère nourrisson d'un an son aîné, elle connaît des accès de colère destructrice qui amènent leurs parents à les sangler de force dans leur lit.

Ensuite, c'est une enfant bègue, énurésique, dyslexique, angoissée pour tout et son contraire ("J'ai peur de ne jamais devenir un vrai adulte", "Je ne veux pas vieillir"), qui éprouve de grandes difficultés d'apprentissage de la lecture dues à une affection grave de l'acuité visuelle qui n'est pas dépistée et sur laquelle elle garde le silence, doute de son identité sexuelle, s'automutile ("Juste pour l'instant, pour sentir que je suis vivante. Pour détourner l'attention") et subit des pulsions suicidaires.

Et elle s'adonne très tôt à l'alcool, aux médicaments et à la drogue - qu'elle considère comme de l'automédication tout en évoquant un autre phénomène ("C'était en rapport avec Dieu. L'envie d'autre chose") - alors que certains médecins considérent ses addictions comme le problème majeur à traiter en priorité. Automédication également le fait d'entendre des voix ?

Car dès l'âge de 6 ans, elle "entend des voix". Non pas celles de personnes qui prennent possession de son corps mais des diffractions d'elle-même ("je me fissure"), des avatars masculins dont le prénom commence par la même initiale que le sien qui apparaissent après chaque événement traumatique pour écarter la douleur du réel qui ne trouve pas de résilience et qui constituent tant une aide ("Je me cache dans les voix de petits garçons") qu'une contrainte tyrannique fondée sur la culpabilité qu'elle recherche en déclarant qu'elle veut être tourmentée ("Les voix des petits garçons me disent que je ne dois le dire à personne. Sinon, je serai punie d'une façon épouvantable").

Arrive en premier Espen, celui qui pleure, du nom du héros d'un conte pour enfants qu'elle voulait interpréter pour la fête de l'école alors que son statut de petite fille aux longs cheveux blonds la désigne pour jouer le rôle de la princesse. Elle a 10 ans quand surgit Emil qui veut se cacher et oublier, et à la mort accidentelle de sa soeur aînée, avec qui elle avait une relation pseudo-maternelle, entraîne l'apparition d'Erik le violent ("Je suis un salaud, un rebelle, celui dont tu as peur et celui qui te manque").

Enfin, après une longue hospitalisation, survient Eugen, dont la voix est celle du prince Eugen de Suède, mécène et peintre symboliste mort en 1947, auquel elle s'identifie et qui lui préconise la gestion des conflits plutôt que leur déni.

L'écriture, qui est sa vocation ("Etre écrivaine ce n'est pas un métier. C'est une vie") et sa passion ("Penser un texte, l'écrire, en parler. C'est ce que je connais de mieux. Mon corps entier prend du plaisir avec moi"), ne suffit pas à endiguer son problème essentiel d'adaptabilité au réel et combler son besoin communication avec autrui qui passe par la parole.

Si elle ne sombre pas de manière irrémédiable dans la démence, c'est grâce à quelques amis dévoués et au recours à une structure hospitalière ouverte 24h sur 24 et à ses référents qui peuvent intervenir et venir l'aider à tout moment.

Et puis une force, celle du refus du renoncement, la volonté de combattre ce qui est une maladie et dont elle est consciente des modalités ("...quand je rencontre des difficultés dans une réalité, je me réfugie dans une autre") qui, à défaut de guérison, peut être jugulée : "... je ne veux pas laisser la maladie m'empêcher de faire ce que je veux".

Alors bien sûr, demeurent des zones d'ombre du fait de la distanciation induite par le travail d'écriture mais également par une certaine mise à distance volontaire de la narratrice qui ne s'y divulgue pas totalement de même qu'elle n'a jamais complètement retiré le masque face aux psychiatres.

Sans sentimentalisme lacrymal ni victimisation dénonciatrice, aux termes de chapitres clairs qui chacun sonne le glas des épisodes d'un parcours de vie en montagnes russes qui est, peut-être, apaisé et d'une façon atypique d'être au monde, Beate Grimsrud livre le témoignage bouleversant d'une femme en devenir.

 

MM         
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