"Compte tenu des étroites affinités entre ces deux compositeurs, il est difficile de croire que la musique de cet album s'étend sur près de trois siècles, allant des harmonies étonnamment piquante de Purcell à la voix distinctive de Britten, diffusées en dehors du courant dominant du modernisme européen, expérimentales mais profondément enracinées dans sa vaste connaissance de la musique ancienne, s’inspirant et insufflant un vent de nouveauté dans les formes anciennes" Eugene Drucker.
L’Emerson String Quartet s’est formé en 1976, l'année du bicentenaire des États-Unis. Ce disque s’inscrit dans la célébration des quarante années au service de la musique du quatuor. Il s'étend sur trois cents ans de musique et montre les connexions entre ce qui sont surement les deux plus grands compositeurs Anglais (avec Byrd et Gibbons). L’interprétation des musiciens est sans faille, notamment dans une approche assez moderne de la chaconne en sol mineur (dans l’arrangement de Britten).
Les fantaisies ont été écrites lorsque Purcell avait environ 21 ans et étaient destinées à des exercices musicaux en contrepoint. Comme pour Bach et son art de la fugue auquel ces œuvres ont été comparées, la beauté de la musique surpasse la nature technique du travail.
Le Quartet à cordes n°2 de Britten écrit en 1945 est certainement l’œuvre idéale pour illustrer le fil conducteur de ce disque et les affinités entre ces deux compositeurs puisqu'il a été créé pour commémorer le 250ème anniversaire de la mort de Purcell. Le dernier mouvement rend hommage à la chaconne de Purcell. Ce mouvement est intitulé "Chacony", une référence explicite au terme de Purcell utilisé et peut-être inventé par lui-même. Comme un long fil tendu entre passé et présent (comme un chassé-croisé entre Purcell, Britten mais également Chostakovitch), on peut y entendre des échos du rythme ponctuel baroque majestueux et de la ligne de basse passacaille (reposant sur le principe d’ostinato, basse obstinée qui répète continuellement le même schéma sur lequel les autres parties se construisent en variations).
Avec son style assez éloigné de l’atonalisme de son époque, son influence par le Moyen-Age et le baroque élisabéthain, son goût pour les mélodies primant sur les techniques Britten est le direct descendant d’un Purcell maître de l’écriture (spécialiste des modulations, des modes majeur et mineur, de la basse obstinée toute juste naissante, les résolutions, les dissonances) d’un lyrisme baroque et de lignes mélodiques raffinées et subtiles.
Le quatuor à cordes oscille avec brio entre la force des œuvres de Britten et l’intensité de celles de Purcell, le tout dans une grande clarté dans le son et dans les phrases musicales. Ce disque d'Emerson String Quartet souligne encore s’il était nécessaire les liens qui existe entre Britten et Purcell et qui forgent une partie de la musique Anglaise, même moderne. |