Comédie de Molière, mise en scène de Stéphanie Tesson, avec Jean-Paul Bordes, Benjamin Boyer, Antony Cochin (en alternance Yannis Baraban), Odile Cohen, Mathias Maréchal, Guillaume Marquet (en alternance Laurent Collard), Christelle Reboul et Nicolas Vaude.
Pour satisfaire son insatiabilité amoureuse, et, au passage, porter le futur Hercule, Jupiter le roi des dieux, champion de la métamorphose mahonnête, abuse de la belle Alcmène en prenant l'aspect de son époux le roi Amphitryon alors en campagne de guerre grâce à l'intervention de Jupiter qui devient le double de Sosie, le valet de celui-ci. Comment cela advient-il et le subterfuge sera-t-il éventé ?
Molière s'est emparé de cet argument pour concocter sur la thématique des hommes et des dieux et le télescopage des mondes, "Amphitryon", une somptueuse pièce à machines ressortant à la féérie qui se révèle polysémique et use de l'hybridation stylistique.
Jonglant avec les thèmes du double, de l'imposture et de l'amour trompé, il élabore une comédie galante virtuose aux belles variations prosodiques doublée d'une sotie tout en opérant des incursions dans la comédie sociale et politique, la farce et la fable morale.
Et, avant l'heure, elle annonce la comédie de boulevard puisque ordonnée autour de son emblématique trio avec un mari toujours "dindon de la farce" qui, en l'espèce, doit s'estimer bien heureux de son infortune conjugale dès lors, comme l'énonce l'amant "il ne peut être que glorieux de se voir le rival du souverain des Dieux".
Stéphanie Tesson met en scène l'opus qu'elle qualifie de pièce métaphysique sur les notions de pouvoir, d'identité et de prédestination, dans un genre qui évoque celui de l'opéra-bouffe et en traduit, dans le respect du texte, toutes les nuances rhétoriques sans perdre de vue sa finalité de divertissement intelligent.
Celui-ci a également inspiré, Corinne Rossi pour les costumes de fantaisie, notamment pour les personnages de Jupiter et Amphitryon, tous deux avatar caricatural d'un Roi Soleil emperruqué blond et portant une tenue militaire anachronique, bas blancs, chaussures de cour et un pectoral de centurion orné d'un soleil, et Anne Caramagnol pour les maquillages et perruques.
Sur un plateau nu, seules, en fond de scène, deux toiles célestes peintes par Marguerite Danguy des Déserts et après un beau lever de rideau avec le prologue pour lequel la Nuit apparaît dans un ciel étoilé par deux chevaux noirs, Stéphanie Tesson dirige efficacement une troupe émérite pour assurer le kaléidoscope original des registres de jeu.
Christelle Reboul s'avère piquante dans le rôle de l'épouse de Sosie, Antony Cochin et Mathias Maréchal sont irrésistibles en ahuris capitaines d'opérette et Odile Cohen déclame avec un beau vibrato la passion comme le désarroi de la belle amoureuse face à Jean-Paul Bordes, mari émotif et anéanti, et Benjamin Boyer en séducteur aussi ampoulé que machiavélique.
Nicolas Vaude se taille la part du lion avec la partition de Sosie, valet aussi poltron que fanfaron et archétype du raisonneur moliéresque, et forme avec son cadet Guillaume Marquet, épatant dans le rôle de Mercure devenu sbire rosseur, un étourdissant duo farcesque.
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