On avait laissé Fabien Guidollet et Sammy Decoster sur la branche de l’arbre où leur magnifique premier album, La Maison sous les Eaux les avait assis en 2016 : duo acoustique aux harmonies vocales entêtantes parcourant les sous-bois d’une France rurale, largement ignorée par le milieu des musiques actuelles (qu’elles se proclament chanson, folk, rock ou rap).

Après avoir fait le tour de France – incluant la Corse – pour promouvoir La Maison sous les Eaux, les deux acolytes se sont retrouvés en résidence chez l’homme qui symbolise leur passion pour l’art, la nature, le fait-main et les chimères, soit le Facteur Cheval. Plusieurs chansons ont bénéficié de l’influence du fantôme du persévérant bâtisseur et il n’est donc pas anodin de retrouver avec constance, la pierre sous toutes ses formes (naturelle, taillée, sculptée, érigée) et le ciel vers lequel tous les efforts de Joseph Ferdinand Cheval ont tendu pendant plus de trente ans pour l’amour de sa fille et de sa femme avant de les y rejoindre, enfin apaisé son "grand œuvre" terminé. La peinture créée par Noémie Boullier spécialement pour illustrer l’album fait elle aussi le pont entre le monde merveilleux des contes médiévaux et le Palais Idéal.

Ne restait qu’à transformer tout cela en sons soyeux et virevoltants, ce qui fut fait par Jean-Baptiste Brunhes, amateur d’enregistrements naturalistes et oreille fine (Emily Loizeau, Bertrand Belin, Arthur H, Baum…) dans un atelier désaffecté de la manufacture Bohin, dernier bastion français des aiguilles et épingles de couture. La localisation de l’usine au bord de la Risle et la réverbération naturelle du lieu permettent de tirer parti de plusieurs profondeurs de champs et de tout Facteurs chevaux.

L’album, composé de neuf titres est d’une beauté rare. Les mélodies s’enchaînent, s’enchâssent et se délient à travers d’incessantes passations de pouvoir entre guitares de nylons et voix, tels les méandres du courant d’une rivière qui se divise en bras indépendants sur les rochers ou les racines, mais finissent toujours par retrouver le lit principal pour nourrir tôt ou tard l’horizon marin.

Ecouter ce disque avec un casque s’avère être une véritable épopée chamanique et sensuelle. Reposant et apaisant, on se délecte des textes et des voix superbes qui s’entremêlent à la perfection. Le temps s’arrête un instant, on contemple la nature sans la voir, en l’imaginant sous l’écoute des neuf titres aussi superbes les uns que les autres. Totalement magique, les vocalises s’enchaînent pour notre plus grand plaisir.

Chante-nuit est tout simplement magnifique, un petit chef-d’œuvre, un disque reposant que je vous invite vivement à écouter.