Après la série d’expositions regroupées sous le titre "Un été italien" en 2006, la Maison Européenne de la Photographie propose en 2007 avec "Italie, doubles visions" un nouveau périple photographique dans 60 ans d’histoire de la péninsule italienne.
Cette exposition particulièrement réussie réunit les travaux de 20 photographes de notoriété internationale, dont 10 italiens, appariés par thème en juxtaposant le regard de l’intérieur à celui de l’étranger, non pas dans un souci de confrontation, au demeurant vain s'agissant de regards toujours singuliers, mais de dialogues par clichés interposés.
Comme au 18ème siècle pour le fameux voyage en Italie des artistes et écrivains, au 20 ème siècle, l'Italie devient un sujet de prédilection pour les photographes du monde entier.
Terre volcanique active, détentrice du patrimoine antique, pays de contrastes et de paradoxes où coexistent des villes mythiques et des bourgades paysannes, le Pape et la pieuvre, où la "vita violente" du poète s'achève sur une plage, pays sous développé dans les années 50 qui, en moins de dix ans, accède au rang de grande nation économique, l'Italie fascine.
De Paul Strand à Carla Fiorio en passant par Mimmo Jodice, Henri Cartier-Bresson, Martin Parr, Raymond Depardon, William Klein et Sebastiao Salgado, tous entraînent le visiteur dans un passionnant voyage doublé d'une belle leçon d'écriture photographique.
Dans leur exploration du passé artistique, interrogeant les visages de pierre, Mimmo Jodice et Herbert List partagent le même regard esthétique sur le beau antique et la persistance des mythes originels.
Mythe encore avec Venise dont le natif, Luca Campigotto, et Ernst Haas traquent le mystère.
Un mystère qui demeure entier même en suivant les pas de ces promeneurs errants aux heures profondes de la nuit, dans la cité fantomatique désertée de présence humaine.
Milan et Rome font bonne mesure avec les promenades urbaines inspirées et les regards croisés de Gabriele Basilico, William Klein, Mario Carrieri et Joel Sternfeld donnant à chacun de quoi éprouver son style.
L'Italie rurale avec Scanno, la perle des Abbruzzes et Luzzara, ville native de Cesare Zavattini, une des figures majeures du néoréalisme italien, est toujours déclinée, quelle que soit l'époque, de manière très réaliste par Paul Strand, Henri Cartier-Bresson et Gianni Berengo Gardin.
Seul l'objectif de Mario Giacomelli transfigure la réalité factuelle en représentation picturale qui tend à l'abstraction.
Une démarche similaire anime Antonio Biasiucci avec ses impressionnants clichés au coeur de la matière volcanique qui contrastent avec la photographie de presse de Robert Ressmeyer.
La photographie sociale est également présente avec deux thèmes, l’hôpital psychiatrique et la pêche au thon.
Face aux visions humanistes de Raymond Depardon et Giorgia Fiorio, Sebastiao Salgado érige le quotidien en véritables fresques lyriques et Carla Cerati travaille avec une éthique de l'engagement.
Comme c’est l’été, coquillages et crustacés, finissons par la plage.
Massimo Vitali saisit l’instinct grégaire qui conduit les estivants à s’aligner en rang d’oignons comme, étrange mimétisme, les résidences balnéaires qui ont bétonné la cote.
Une approche phénoménologique que Martin Parr complète avec ses plans rapprochés qui traquent, avec un humour satirique, la beaufitude des estivants qui est bien identique sous toutes les latitudes.
Une exposition intelligente, didactique et indispensable. |