Depuis quelques temps, nous assistons à la réhabilitation de la bande dessinée et de la même manière de ses lecteurs. Les adorateurs des petits Mickey dont je fais partie peuvent enfin avouer leur vice à la face du monde car aujourd’hui la bd est in, branchée, parfois intello (la preuve y a des chroniques dans Télérama). Même ma mère me parle de Marjane Satrapi, Larcenet et autre Sfar alors qu’il y a encore très peu de temps, Bécassine était son unique référence en matière de textes illustrés !  Mais que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ?

La bande dessinée s’est affranchie de ses codes et laisse désormais une amplitude quasi inépuisable à ses nouveaux créateurs. Les francs tireurs de l’illustration œuvrent depuis quelques décennies pour donner à voir et à lire des choses singulières à un public qui va sans cesse grandissant. Évidemment, il y a toujours quelques auteurs tel un Hugo Pratt inspiré qui ont imposé depuis longtemps leur liberté comme marque de fabrique et qui ont trouvé leur place dans des maisons d‘édition majeures et très souvent belges. Mais je pense plutôt à des jeunes auteurs refoulés dans un premier temps par ces dernières et qui, toujours dans un enthousiasme parfois proche de la crise de démence, se jettent à corps perdu dans la production de leurs revues, de leurs petites boites d’édition indépendantes. Ainsi sont apparus : Futuropolis, les Humanos (et leur revue métal hurlant), A suivre, puis les Association, Atrabile ou plus récemment les Requins Marteaux… Des projets de Punk en quelque sorte.

Puis vient se greffer sur tout ça la déferlante Manga (oula ! ça devient compliqué). Enfin tout ça pour dire qu’aujourd’hui, les indépendants arrivent à tirer leur épingle du jeu et les maisons d’édition classiques sont moins frileuses pour éditer des nouveaux auteurs et certaines, bien au contraire, sortent des nouveaux titres à la pelle sans trop regarder à la qualité mais ça c’est un autre débat. Enfin, quoi qu’il en soit tout ça fait que oula patatras quand on arrive au rayon BD de n’importe quel grand diffuseur de biens culturels ou d’une petite librairie indépendante et qu’on n'y connaît pas grand-chose, on est souvent proche de la crise de spasmophilie tellement qu’on ne sait pas quoi prendre dans cette effusion de titres.

Alors oui, cette chronique s’adresse à vous ? À l’éternel camarade, collègue, ami qui me ressasse : "j’aimerais bien lire plus de bd mais je ne sais pas quoi prendre". L’idée, c’est de vous accompagner dans vos choix non pas en fonction de l’actualité d’une œuvre mais en fonction de son thème, de son univers. Oui je sais, c’est un peu ambitieux mais rappelez-vous : est-ce que Tintin s’est découragé une fois au cours de ses aventures ? Il faut toujours se poser les bonnes questions et se rappeler que, nous aussi, on a le droit de s’y connaître en BD.

Comment tu connais pas ? Oh la honte !
Ou y a-t-il des lectures incontournables dans la BD ?

Mes incontournables : Les Pilules Bleues, Pixy, Amer Béton, l’Ascension du Haut-mal, La Quête de l’Oiseau du Temps. Vous me direz, si vous connaissez rien en BD, c’est sûr que ce ne sont pas les titres les plus connus. On va donc commencer par le début et aborder les incontournables que vous n’aimerez peut-être pas mais qui font consensus chez les bédéphiles.

Cet article, c’est aussi l’occasion de vous filer un p'tit coup de pouce au cas où vous vous trouvez bloquer dans un dîner mondain composé de 99,9% de garçons à lunettes mutiques et sûrement informaticiens donc fans de BD. Il vous faut connaître quelques titres auteurs afin d’animer la soirée et parce que l’autisme latent de vos hôtes prend fin si vous les emmener en terrain connu. Cette rubrique est donc d’une importance capitale pour votre survie en milieu hostile.

Comme il faut faire des choix parce que finalement, des incontournables il y en a plein, j’ai pris quelques libertés vu le patrimoine. Tout d’abord, je ne vais pas aborder les séries telles que Tintin, Astérix ou Gaston qui sont connus de tout être humain adulte français ou belge n’ayant pas vécu dans une grotte ces quarante dernières années. Puis, comme cette première chronique est très généraliste, je vais présenter quelques ouvrages par thématique. Bienvenue dans le monde des petits Mickeys.

Science-Fiction

C’est le thème de prédilection de nombreux artistes dont certains ont acquis au cours de leur carrière une reconnaissance internationale et artistique, bien au-delà de la seule bd (oui, pour beaucoup, la BD n’est pas de l’art ou un art mineur ce qui pour ma part la rend d’autant plus fascinante).

L’Incal, le premier tome est publié en 1981 (de Moebius et Jodorowsky chez les Humanos) ou les aventures rocambolesques d’un certain John Difool est peut-être la référence absolue. L’Incal est une œuvre dense réalisée par deux pointures de la bande dessinée : Moebius pour le dessin et Jodorowsky pour le scénar’.

Moebius est aussi l’auteur du Garage hermétique (qui vient d’être réédité), et Harzach (Métal Hurlant) mais Moebius, c’est aussi le type qui a réalisé les costumes d’Alien de Ridley Scott, a également participé à la conception des films Wilow, Abyss et Le Cinquième Elément.

Petite note importante, Moebius et Giraux sont la seule et même personne et comme Giraux est l’auteur du mythique Blueberry et de Jim Cutlass et du dernier épisode de XIII... Grosse, très grosse pointure.

Jodorowsky tout aussi prolifique est son alter ego pour la réalisation des scénars en BD. On retiendra La Caste des Méta-barons et Juan Solo avec Guimenez, Bouncer avec François Boucq, La série des Technorepères avec Zoran Janjetov (bon, il y a aussi des livres et des films et des disques et des recueils de nouvelles de poèmes).

J’avoue, je suis pas très sensible au trait de crayon de Leo (un peu trop réaliste à mon goût). Cependant, tels des croquis de naturalistes, ils décrivent à merveille la faune et la flore de mondes qui n’existent que dans le crâne de l’auteur et au final servent à merveille une trame narrative assez bien foutue. On n’oubliera pas bien évidemment Bilal et sa trilogie Nikopol et Otomo avec son magnifique Akira.  

Heroïc Fantasy

Mais oui, bien sûr ! La Fantasy, c’est une cohorte de nains bougons, de fées, d’orques énervés, les elfes agiles… Enfin, vous voyez de quoi je veux parler depuis que vous avez vu le Seigneur des Anneaux. En la matière, la BD est prolifique, le choix est difficile mais pour débuter on peut commencer par ces ouvrages.

La Quête de l’Oiseau du Temps : le duo Loisel - Le Tendre ont donné naissance dans les années 80 à la plus belle rousse du paysage de la bande dessinée française, Pelisse. Accompagnée de son musculeux et téméraire papa Bragon et de sa petite bébête bleue poilue, la jeune femme traverse des contrées aussi dangereuses que fascinantes à la recherche d’un volatile afin de sauver le monde. Loisel est également le papa de la version BD la plus réussie de Peter Pan (Vents d’Ouest).

Aussi je ne saurais faire l’impasse sur la saga qui a tout simplement bouleversé le monde de la BD de ces dix dernières années : la série de Trolls de Troy (chez Soleil). Arleston et Mourier reprennent les codes de l’heroic fantasy pour nous offrir une épopée désopilante. Pour ma part, je conseille cette série à tous ceux qui ont quelques réticences avec un genre très codifié et qui, parfois, se prend un petit peu trop au sérieux.

Les Légendes des Contrées Oubliées (scénario de Bruno Chevalier, dessins de Thierry Ségur chez Delcourt) est également un grand classique de l’heroic Fantasy. Elle a d’ailleurs inspiré le scénario d’un jeu de rôle. Vous suivrez les aventures de trois personnages hauts en couleur un noble guerrier, un escroc cupide et un barbare un peu débile. Personnellement, j’ai retrouvé la même ambiance des livres dont vous êtes le héros qui m’ont occupée enfant à mes heures perdues.

Pour ceux qui aiment  les ambiances moyenâgeuses et si la Forêt de Brocéliande vous inspire, je vous conseillerai vivement Les Compagnons du crépuscule de François Bourgeon (Casterman).

Policier

Voici encore un domaine très prisé par les artistes du IXème art et qui a donné naissance à des personnages emblématiques. Je suis cependant un peu embarrassée d’aborder ce thème car je n’ai jamais lu une page (et je vous l’accorde, c’est la honte) de la série cultissime qui fait office de référence absolue dans ce domaine : XIII (dessinée par William Vance et Jean Giraud sur un scénario de Jean Van Hamme). La série s’inspire du roman La Mémoire dans la peau de Robert Ludlum (repris également à l’écran avec l’acteur Matt Damon) et compte déjà 19 tomes (je me suis quand même renseignée sur le sujet).

Pour ma part, je préfère le polard, le vrai celui qui tâche, celui qui gouaille et en la matière la série des Nestor Burma dessinée par le non moins gouailleur Jacques Tardi. On est loin de l’ambiance policée (et parfois un peu ennuyeuse) de la série télévisée avec Guy Marchand, Tardi est fidèle à l’esprit de l’œuvre de Léo Malet. Le point fort de cette série, c’est que l’auteur nous ballade dans le Paris des années 1950 dessinée avec un réalisme confondant. L’exercice est d’autant plus réussi que chaque épisode se déroule quasiment dans un seul arrondissement (avec plan à l’appui). Pour ma pomme, celui que je préfère c’est : 120, Rue de la Gare (Casterman).

Dans la même veine, vous pouvez toujours aller jeter un œil sur les aventures du Choucas de Christian Lacroix plus connu sous le nom de Lax (chez Dupuis).  Enfin je ne pourrais pas conclure cette rubrique sans évoquer mon flic préféré Soda (de Tome et Gazzotti chez Dupuis). Cet agent consciencieux de la police new-yorkaise, en plus d’affronter des hordes de voyous, n’oublie pas de ménager sa maman, cardiaque en enfilant un habit de pasteur avant de passer le pas de la porte de l’appartement qu’il partage avec celle-ci.

Vous voila donc, je l’espère, un peu plus armé pour affronter le rayon BD de votre librairie préférée.  Mais le monde de la BD est aussi riche que l’imagination de ses contributeurs, il est donc difficile d’en balayer en quelques lignes un panorama exhaustif. Vous trouverez donc sur votre site de votre grenouillesque webzine culturel préféré des chroniques qui aborderont la BD par des petites portes thématiques en espérant ainsi vous convertir à cet art. J ’ai déjà quelques idées dans ma besace qui je l’espère titulleront votre curiosité : le monde du travail, l’Afrique subsaharienne, la sorcellerie, les punks qui dessinent, les antihéros de la BD américaine et bien évidemment, on fera un petit tour du côté du Festival d’Angoulême édition 2009. Avec ça des interviews d’auteurs et des chroniques de nouveautés.

En attendant, bonnes lectures !