Le succès des formules qui marchent, c’est quelque chose qui ne s’explique pas. Des White Stripes aux Kills en passant par Elysian Fields, l’histoire contemporaine est peuplée de duos rongés jusqu’à l’os qui doivent leurs succès au minimalisme des productions. Dix ans après les débuts des groupes précités, une nouvelle paire surgit de Brooklyn avec les mêmes intentions. Du rock slim qui tient sur de fins accords, un dépouillement et une voix qui miaule.
Accordons leur le bénéfice du doute, She Keeps Bees, c’est tout d’abord un nom ridicule, moins marquant que leurs prédécesseurs. Moins "impactant", comme diraient les publicitaires. Mais c’est aussi un album, Nests, qui réveille les fantômes du blues, de Sonny Boy Williamson à … Jack White.
Bien évidemment, les compositions tiennent plus que debout, la voix de Jessica Larrabee hypnotise, le tout sonne comme du rock avec dix ans de retard, parce que dénué des effets de production habituels. Une guitare électrique, une batterie, une ligne de chant. Sur "Strike", deuxième piste du disque, on hésite entre l’envie de tanguer et le besoin de regarder par la fenêtre pour compter les oiseaux. Est-ce du blues new age joué à 60BPM, du rock ouaté pour les oreilles ?
Toujours est-il que She Keeps Bees séduit sans surprendre, émeut sans étonner, que la nervure est palpable sur plusieurs morceaux ("My last nerve"), comme si Florence Rey vous racontait ses dernières vacances à l’Ile de Ré. La force du disque, c’est le sentiment de colère tapi derrière les accords plaqués, la rage contenue sur trois fois rien qui font toute la différence.
Au final, Nests est un disque de bravoure. Il arrive après plusieurs autres albums ayant déjà visité le même registre. Cela en fait-il un énième concurrent des voisins de New York, les surdoués d’Elysian Fields ? La réponse est non ; She Keeps Bees a maquillé son blues derrière du mascara très léger, preuve d’une authenticité non feinte qui donne du décor à voir sur la dizaine de titres sacrifiés en offrande. Album idéal pour les grands trajets, les larges panoramas offerts par la Nationale 7 et les échappées en caravane. Bonne pioche pour ceux qui ne partent pas souvent en vacances. |