Il faut décidément avoir une sacrée faculté d’adaptation pour faire ce métier… Passer en quelques jours du silence religieux d’un Omnibus plein à craquer un samedi soir Malouin (pour la chouette édition hivernale de la Route du Rock) à une micro scène Toulousaine survoltée, voilà qui aurait pu déstabiliser un jeune groupe qui monte, qui monte… Et pourtant…
Compte-rendu passionné de la belle prestation des Clues, un soir d’hiver dans la chaleur moite d’un bar branché Toulousain.
Qu’on le veuille ou non, difficile d’échapper à la magie Canadienne en ces temps d’Olympiades. Et c’est en fuyant la télévision et la neige que l’on prend la plus jolie des claques. On doit cette prouesse à la vénérable association toulousaine La Chatte à la Voisine qui, depuis pas mal d’années, assure une programmation audacieuse dans tout ce que la ville compte de bars, salles et autres péniches, à des prix défiant toute concurrence.
Le lieu du soir : le Saint des Seins, bar musical fort sympathique et accessoirement point de rassemblement de la jeunesse surlookée à franges et mini jupes. Malgré l’exiguïté de l’endroit, l’acoustique est particulièrement soignée, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.
Dès 21h, la foule se presse, impatiente de découvrir ce petit groupe qui fait tant causer. "The Clues + Guests" indiquent les flyers. Il faut attendre une bonne demi-heure pour voir débarquer ces fameux Guests : en l’occurrence cela se résume à un duo improbable qui semble tout droit échappé des Chats Persans (l’excellent film Iranien de Bahman Ghobadi). Un OSNI (Objet Sonore…) s’abat sur la salle par le biais d’une longue (com)plainte hindouisante et monotone qui s’étend suffisamment longtemps pour que l’on s’interroge sur la taille de leur répertoire (en même temps, il faut reconnaître que la combinaison flutiot oriental / voix offre des possibilités assez limitées). Ils ont heureusement le bon goût de se retirer après leur unique titre ! Conceptuel.
La place est désormais libre (façon de parler) pour que les cinq membres de Clues essaient de se caser sur l’étroite scène. Avec leur air de ne pas y toucher et leur look d’éternels adolescents, les Canadiens n’en sont pourtant pas à leur coup d’essai. Le groupe est mené par Alden Penner (guitare, chant) et Brendan Reed (batterie), tous les deux membres actifs de la scène de Montréal (le premier via les excellents et feu Unicorns, le deuxième en tant que membre éphémère d’Arcade Fire). Leurs trois autres acolytes ne sont pas en reste et viennent former un line up original, boosté par deux batteries (si, si !) très synchros.
Dès le premier titre ("Elope"), on retrouve cette ambiance tendue, cette complexité dans les compositions, cette fragilité dans la voix qui nous avaient tant touchés sur leur premier album éponyme. Très à l’aise sur scène, le groupe n’hésite pas à échanger avec le public dans un français mâtiné de cet irrésistible accent québécois : "Toulouse est la plus belle ville où nous ayons joué jusqu’ici" (n’y voyez pas d’auto-promo, je ne fais que citer !).
Le single "Haarp" fait mouche avec ces changements de rythmes et on ne peut s’empêcher de comparer leurs compositions à celles d’Arcade Fire : même impression de désordre maîtrisé, même finesse, même variations, mêmes échanges d’instruments… Souhaitons-leur le même succès !
"You Have my Eyes Now" et ses guitares acérées évoquent The National et la fanfare d’Elvis Perkins, puis un "Clues" survolté permet à Alden de cabotiner vocalement.
Le groupe flirte parfois dangereusement avec le grandiloquent ("Perfect fit") mais sans jamais s’y abîmer. Le label Constellation a encore une fois eu le nez creux ! Les titres s’enchaînent sans transitions, variant subtilement les atmosphères.
"Ledmonton" (judicieusement placé en fin de set) finit par emporter les derniers sceptiques avec son final implacable et son refrain lalala, repris en chœur, comme il se doit. Malgré une tentative avortée de réamorçage par le batteur et le synthé, le titre finit par mourir, annonçant le début des rappels. Et c’est tout en douceur que va s’achever la soirée, avec les morceaux les plus posés de l’album ("In the Dream", "Let’s get strong") malheureusement un peu gâchés par le bruit de fond ambiant et les inévitables discussions de comptoir…
Les plus enthousiastes pourront ensuite prolonger ce moment avec le groupe, assurant eux-mêmes leur merchandising, et très disponibles (pourvu que ça dure).
1h d’un concert vraiment accompli, frais et déroutant, qui trottera un petit moment dans nos têtes. On repart émerveillés, le sourire aux lèvres, en espérant les revoir très vite sous la nuit étoilée d’un de nos nombreux festivals estivaux. |