Spectacle de Jacques Bonnaffé et Jonas Chéreau autour des textes de Jean-Christophe Bailly.
Jacques Bonnaffé et Jonas Chéreau débarquent dans la lumière crue sur un plateau nu, seuls quelques câbles électriques traînent au sol.
Ils esquissent des pas de danse rapides, maladroits, puis très vite se rapprochent des murs pour s'esquiver au regard des spectateurs.
Dans son texte, "Nature aime à se cacher", dit par Jacques Bonnaffé, Jean-Christophe Bailly s'interroge plus sur ce qui différencie l'homme des grands singes que sur ce qui les rapproche.
La danse de Jonas Chéreau illustre ce propos on accentuant les postures voûtées, en forçant les les jointures de ses chevilles et de ses poignets. Sans musique, cette danse, heurtée, rappelle par flash des chorégraphies d'Anne Teresa de Keersmaeker. Jacques Bonnaffé aussi y va de son pas de danse. Immense acteur, il ose aborder des arts différents. Malgré la présence magnétique de son partenaire, Jonas Chéreau parvient imposer sa danse et à déplier son corps jusqu'à incarner le mâle dominant.
Cependant, lorsque le texte se répète dans des boucles, ou lorsque les acteurs, dans un jeu qui se rapproche de l'attitude animale, étirent la pièce, la chorégraphie, parfois peut-être improvisée de Jonas Chéreau et Jacques Bonnaffé, tend à déliter inutilement le propos de Jean-Christophe Bailly.
De cette pièce étonnante à bien des égards par son utilisation de la vidéo, par ses plages de silence, par enchevêtrements de textes (Bailly, Rousseau, Héraclite, Norge), par l'occupation de l'espace jusque dans les coulisses par les corps des comédiens, on retirera essentiellement des questions. L'homme, dont le sens le plus exercé est la vue, peut-il à cet égard se prétendre supérieur à l'animal qui lui exerce l'ensemble de ses sens? Dans la société des hommes, qui est caché et qui refuse-t-on de voir? Voire, y a-t-il une similitude entre le zoo et le théâtre?
L'utilisation de la chanson "True love will find you in the end" de Daniel Johnston, artiste américain atteint de graves troubles mentaux, est peut-être un début de réponse à plusieurs des questions soulevées durant la pièce. C'est en tout cas un vrai moment de grâce dans ce spectacle qui aborde des thèmes philosophiques divers sous un angle inhabituel et sort des sentiers battus, au risque de frôler parfois l'ornière. |