J’ai découvert Bernard Quiriny et son univers, il y a quelques années, sur les conseils d’un ami proche, en lisant son recueil de nouvelles, Une collection très particulière. Assez hermétique au départ vis-à vis de ce format d’écriture, il est celui qui m’a fait aimer les recueils de nouvelles. Depuis, j’en lis souvent, celles de Joyce Carol Oates notamment ou les superbes Microfictions de Régis Jauffret.
Avec L’affaire Mayerling, sorti le mois dernier aux éditions Rivages, je me lance dans mon premier roman de cet auteur belge à l’imagination débordante. L’affaire Mayerling est encore en course, il fait partie des 5 finalistes, pour obtenir le grand prix RTL-Lire 2018.
Mayerling est le nom d’une résidence de standing construite dans la petite ville de Rouvières. Etages, 25 appartements du T2 au T5 avec des propriétaires triés sur le volet. Le narrateur et son ami Braque sont des passionnés de l’immobilier et de son jargon si particulier. Ils vont au cours de la première partie du livre s’amuser à décrire les catalogues publicitaires sur ces résidences immobilières que l’on vend sur plan, décrire l’avancée des travaux et ses péripéties et présenter le syndic qui gérera la résidence Mayerling.
Assez rapidement, avec la seconde partie, le livre va se centrer sur cette résidence et ses occupants. Des faits étranges et loufoques se sont déroulés. Le narrateur et son ami Braque vont donc effectuer une enquête après ces faits qu’ils nous narrent. On retrouve alors l’imagination débordante de l’auteur, sa précision dans les descriptions au travers des problèmes successifs et nombreux qui vont toucher les habitants de cet immeuble de standing. Les conflits et les accidents se succèdent. Un couple se déchire, en faisant profiter par le bruit ses nombreux voisins. La très pieuse Madame Camy se retrouve nymphomane. M Paul rêve d’assassiner son voisin trop bruyant. Une odeur pestilentielle s’échappe du logement de Madame Meunier. Madame Choppard a des hallucinations voyant le fantôme de sa mère dans l’immeuble.
Assez rapidement, les rêves de ses copropriétaires se transforment en cauchemars. Les nombreux dysfonctionnements techniques de l’immeuble ont des conséquences sur les comportements des habitants. Assez vite tout tombe en panne, l’immeuble se dégrade très rapidement et les habitants commencent à tomber malade. Les habitants ont alors pour unique solution que de déclarer la guerre à leur immeuble et se retrouvent alors pris dans un tourbillon de destruction de leurs biens qui est l’objet de la troisième et dernière partie du livre.
Vous l’avez donc compris, le dernier livre de Bernard Quiriny est une satire de l’urbanisme actuel, de ses résidences qui fleurissent à tout bout de champs dans toutes les villes françaises, dans lesquelles les gens s’entassent avec plaisir sans se parler entre eux. L’auteur se moque avec beaucoup d’humour de cette vie citadine dans laquelle les habitants se retrouvent prisonniers de leur rêve de béton.
Ce qui fait le charme de ce livre, qui le rend si plaisant à lire, c’est encore une fois l’humour et l’originalité dont fait preuve Bernard Quiriny. Imaginez un immeuble qui décide de s’en prendre à ses occupants et des occupants qui décident de lui casser la gueule. Et bien oui, c’est bien ça que nous propose Bernard Quiriny.
Bernard Quiriny manie l’absurde et le cocasse avec un talent immense pour nous conter le naufrage d’une communauté de copropriétaires. Il le fait avec une grande intelligence en posant d’abord ses personnages (on a même droit dès la première page à la liste détaillée des copropriétaires étage par étage, comme celle qu’on trouve au rez-de-chaussée des immeubles sur le panneau du conseil syndical) pour finir par une fin délirante, dans le bon sens du terme.
L’affaire Mayerling est donc un roman savoureux que l’on lit avec délectation.