Comédie burlesque de Stephan Wojtowicz, mise en scène de Tristan Oudar, avec Valentine Bellone, Camille Broillard, Arthur Guillot, Arthur Hesse, Tristan Oudar et Mélanie Prézelin.
La jeune Compagnie Les Gueules de loup, dont le logo représente une tête lupienne à gueule de muflier témoignant d'une ténacité bucolique, relève un beau challenge avec "Les Forains" de Stephan Wojtowicz.
Et d'autant plus méritoire que cette partition hybride la tragédie naturaliste, la farce existentialiste, la satire du quart monde dans la veine "Affreux, sales et méchants" et le théâtre de l'absurde au gré de la métaphore du train de la vie qui fonce dans la nuit sans que ses passagers privilégiés ne se soucient des laissés pour compte qui croupissent en bordure des voies.
A linstar de la vache qui regarde passer les trains, en position de veilleur sur le toit d'un gourbi posé en rase campagne à côté d'une décharge d'ordures, Eddie le taiseux (Tristan Oudar) tient une rigoureuse comptabilité ferroviphilistique.
Sa femme Jackie qui n'a pas inventé l'eau chaude (Valentine Bellone) sait néanmoins réchauffer les raviolis en boîte en attendant le retour de son beau-frère Nono ( Arthur Guillot), "noeud-noeud" imbibé jusqu'à la moêlle, qui doit réparer leur camion en panne depuis sans doute des lustres.
Chez ces gens-là, ex-forains tombés dans la mouise, on ne parle pas, on crie, on se gueule dessus comme sur la chienne (Camille Broillard) autant gratouillée que rossée et le meurtre intra-familial est évité par une hiérarchie consentie. Nono fait le dos rond sous les menaces de Eddie qui file doux devant les invectives de Jackie la chef de meute.
Quand, à l'occasion d'un inattendu arrêt, débarquent d'un train deux specimen de la bonne société occidentale capitaliste - un cadre bien propre sur lui (Arthur Hesse) et une bobo en "recherche de sa vérité" (Mélanie Prézelin) - la confrontation s'avère, bien évidemment, aussi rude que sidérante et pourrait bien induire un inattendu dénouement.
Avec la collaboration de Morgane Noubel à la dramaturgie, Tristan Oudar signe une première en scène entre hyper-réalisme et burlesque dont la maîtrise et la direction d'acteur convainquent qui s'avère donc de bonne augure.
Tous les comédiens, avec une mention spéciale pour l'incarnation animalière de Camille Broillard, sont au diapason dans un jeu organique qui tient - et soutient - le texte en y instillant quelques aspérités caricaturales de bon aloi pour permettre une double lecture de cette terrible farce métaphysico-politique.
Une très belle réussite donc. |