Comédie dramatique écrite et mise en scène par Gwendoline Destremau, avec Cyril Benoit, Sarah Bertholon, Louise Bouchez et Matthieu Gautier. Décidément, la Compagnie de L'Eau qui dort est bien prometteuse... Après sa première création réussie, "Peter Pan - Méfiez-vous des enfants tristes", elle confirme avec ce projet enthousiasmant et surprenant, "Mille et une nuits ou l'homme qui aimait les coquelicots", une vraie singularité et un talent créatif indéniable. Avec cette proposition très maîtrisée, Gwendoline Destremau démontre toutes ses capacités. Elle a ce talent de parler de choses graves avec légèreté, celui de diriger à la perfection avec un grand sens du rythme (et des chorégraphies efficaces de Camille Anglade-Gaillard) un quatuor de jeunes comédiens épatants qui n'en finit pas de réjouir le public dans un spectacle particulièrement original et enlevé qui a su trouver son ton à lui, mi fable burlesque-mi onirique, et oser la décalage avec un savoir-faire évident.
Avec un travail aussi physique que choral, dans une esthétique magnifique (sublimé par les costumes de Marguerite Morin), Gwendoline Destremau crée des images qu'on ne voit d'habitude que sur les grandes scènes avec de plus grosses productions. Pour texte, un habile patchwork réunissant trois contes ("Les Mille et une nuits", un conte d'Andersen et un conte japonais) en leur donnant une vraie modernité.
Et ce pour évoquer des choses comme la déshumanisation, la peur, le repli sur soi, la condition des femmes et d'autres thèmes tout à fait actuels traités avec une agréable subtilité, à travers l'histoire d'un homme solitaire qui a peur de tout, se terre chez lui, annexe la maison de son voisin qu'il nomme Grand Vizir et décide de régner sur sa propriété en élevant une muraille tout autour de ce petit royaume.
En fil rouge, le personnage de Shéhérazade célèbre la force des mots et de l'imagination. En creux, "Mille et une nuits ou l'homme qui aimait les coquelicots" est finalement un touchant hommage au théâtre.
Sur le plateau, des comédiens qui passent d'une ambiance à une autre avec aisance et énergie. Sarah Bertholon incarne des personnages différents avec un évident plaisir qu'elle communique. Cyril Benoit est un roi plein de complexité, aussi volcanique et ridicule qu'inquiétant. Matthieu Gauthier joue avec beaucoup de finesse et un vrai talent comique un Grand Vizir servile mais plus malin qu'il n'y paraît.
Enfin, Louise Bouchez est une remarquable conteuse dont la voix et le phrasé donnent beaucoup de grâce et d'émotion à ce réjouissant spectacle qu'il ne faut évidemment pas manquer.
Une très belle surprise.
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