Monologue dramatique d'après un opus de Angélica Liddell interprété par Clémence Caillouel dans une mise en scène de Jessica Walker. Porter sur scène une partition de l'auteure, comédienne et metteuse en scène espagnole Angélica Liddell relève d'un impossible défi tant son écriture autofictionnelle et la singularité dramaturgique de son théâtre de la douleur semblent inappropriables.
La metteuse en scène chilienne Jessica Walker relève le défi en élaborant le saisissant monologue "Paulina" d'après "La Maison de la force", terrifiant opus écrit par Angélica Liddell en 2009 pour, indique-t-elle, se survivre à elle-même après une relation de soumisson dont elle relate le processus destructeur mis en résonance avec la violence des hommes auxquelles succombent les femmes.
"Succombent" car la maltraitance féminine résulte tant de l'amour inconditionnel porté à un psychotique usant de toute la panoplie de la tyrannie conjugale, de l'humiliation à la maltraitance physique en passant par les sévices sexuels, que de la barbarie d'assassins violeurs, qualifiée de "féminicide" devenu l'apanage du Mexique, la "capitale du crime", un des pays les plus dangereux au monde qui concurrence les états en guerre, avec la révélation des hécatombes de Ciudad Juarez.
Sur un plateau plongé dans le noir, simplement éclairée plein feu par un projecteur à main qui suit ses apparitions fantomatiques, une vahiné déchue avec son chapeau cabossé, en pagne effiloché et soutien-gorge crasseux, corps sanguinolent et poignets bandés.
Elle est la personnification de l'auteure, qui, dans une chambre d'hôtel à Venise, cité des amours romantiques, tente de surmonter le dégoût de la vie et de soi en relatant tant le mécanisme inéluctable de la double contrainte paradoxale dans la domination que les ultimes mécanismes de survie, tel l'automutilation, et les prémisses de la résilience par l'épuisement physique, et de Paulina, figure tragique de toutes les victimes happées par le machisme meurtrier. Magnifique révélation, la jeune comédienne Clémence Caillouel dispense une performance exceptionnelle, par un jeu organique d'une rare puissance dramatique, d'immersion poignante au limite du supportable, nonobstant la distanciation théâtrale, au coeur de l'intime ravagé et de la souffrance.
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