La révolte des couverts
(Train Fantôme) février 2019
Voilà un disque comme nous aimerions en entendre plus souvent... D’excellents musiciens : Rémi Sciuto (voix, saxophones, synthés) en leader, Vincent Taeger (batterie), Hervé Jegousso et Fred Pallem (basse), Antonin Rayon (piano, B3, clavinet) et le trio Journal Intime : Fred Gastard (saxophones basse, ténor et soprano), Mathias Mallher (trombone) et Sylvain Bardiau (trompette), une histoire un peu dingue de révolution de couverts où il est question de fourchettes, d’économes et de presse purées et pour finir énormément de musique.
Ce quatrième album de Wildmimi, dans le même esprit que les précédents, est somptueux disons le tout de suite. Dans un tourbillon mélodique se mélangent musique jazz, pop orchestrale, lyrisme, cabaret, Scott Walker, David Bowie, Sufjan Stevens, Broadway, Kurt Weil, The Divine Comedy, Henry Mancini, Le Sacre du Tympan, rock et improvisations. La palette sonore, le mélange, le travail sur les timbres semble inépuisable. L’écriture, les mélodies sont justes jubilatoires.
Ce disque respire et exsude, exhale une musique folle, baroque, audacieuse, aux milles reflets et détails, drôle, impressionnante et magistrale. Rien que cela et tout à la fois, et bien plus encore. Une musique savante, dans sa composition et son interprétation mais diablement efficace, évidente, quelque chose d’enfantin, de merveilleux (comme la très belle pochette). Et comme tout est interprété avec force virtuosité.
Projet personnel, elle est la somme des influences et des goûts de Rémi Sciuto. Et le saxophoniste est un activiste de la chose musicale : on le retrouve dans Le Sacre du Tympan, avec Marc Ducret, le Caratini Jazz Ensemble, Bernard Lubat, il a joué pour Jane Birkin, Air, Bernard Lavilliers, avec la compagnie Les Colporteurs, Cheptel Aleikoum...
Et si cette révolte, épique, des couverts souffle une musique recherchée et sauvage, c’est également naturellement une façon d’aborder des thèmes actuels très politiques (la colonisation, les institutions européennes, le commerce triangulaire, la démocratie directe, la Grèce et Tsipras) sous une forme détournée, comme un conte fantastique. Une ode à la musique, des émotions, des expressions, une force mélodique, une dramaturgie, une écriture (dans le fond comme dans les formes) qui rendent l?écoute de ce disque absolument indispensable !