Monologue dramatique de George Tabori interprété par Roland Timsit dans une mis en scène de David Ajchenbaum.
George Tabori est un auteur prolifique. Il a été scénariste à Hollywood, romancier, dramaturge. En 1979, il décide de raconter comment sa mère a échappé à la déportation, alors que son père périra dans les camps nazis. Dans "Le courage de ma mère", la seule chose qui paraît exact est ce point de départ : sa mère a survécu à la guerre. Le reste, c'est peut-être de la littérature, une "belle histoire" qui cache ce que l'Histoire a de plus affreux. Ce que va raconter l'auteur lui-même est tellement incroyable qu'on va pouvoir en déduire la banalité de la réalité. Celle de gens raflés, embarqués dans des bus vers des trains en direction de la mort et sans possibilité rocambolesque de s'en sorti comme la mère de l'auteur. Pour fixer ce récit définitivement, rendre vrai l'invraisemblable, Tabori va enregistrer sa version et sa mère la corriger. Dans son adaptation, David Ajchenbaum a enfermé l'auteur hongrois dans un studio d'enregistrement, avec des micros, des magnétos, des pédales loop placés à divers endroits de la scène. Roland Timsit, qui joue un Tabori à la fois admiratif de sa mère et toujours étonné, amusé par cette inconscience qui lui a sans doute sauvé la vie, va et vient sur le plateau, d'un instrument à un autre et déploie beaucoup d'énergie pour rendre crédible cette auto-fiction maternelle. Mais l'acteur-auteur n'est pas seul sur scène. Il porte en lui la voix de sa mère qui vient le corriger et l'encourager. Voix intérieure la plupart du temps, voix captée sur une bande magnétique parfois et interprétée par Marion Loran. Dit-elle enfin, post mortem, la vérité ou participe-t-elle à la légende que lui édifie son fils ? Bouillant d'émotion, le spectacle mis en en scène par David Ajchenbaum joue avec le devoir de mémoire pour que le mot "devoir" ne soit pas pris dans le sens de "pensum" ni de "d'obligation". S'il y a dette due, c'est une dette d'amour, viscérale, inscrite dans la chair de l'auteur... Et puis, il y a, en filigrane, tous les autres fils, toutes les autres mères, qui n'ont pas eu la chance d'être racontées par leurs fils. Parti d'un récit extraordinaire, quasi fantaisiste, George Tabori réussit la prouesse de toucher tous et toutes. Il est parfaitement servi par Roland Timsit et David Ajchenbaum. |