Spectacle de théâtre musical conçu par Anne Wischik, mise en scène d'Emmanuelle Bougerol, avec Flora Thomas et Anne Wischik.
Peut-on s'approprier un artiste majeur sous prétexte qu'on a été parmi les premières à découvrir son génie et surtout à le soutenir financièrement ?
Dans "Mon Tchaïkovski", Flora Thomas interprète la baronne Nadejda von Meck, aristocrate richissime dans la Russie tsariste de la fin du 19ème siècle.
Elle a entendu au Conservatoire de Moscou un poème symphonique intitulé "La Tempête" et s'est appropriée cette oeuvre de Piotr Tchaïkovski. Elle est persuadée qu'elle a été jouée pour elle et que ce compositeur dont elle ignorait tout est un génie à l'égal de Mozart ou Beethoven.
La baronne s'enflamme : Tchaïkovski sera "son" Tchaïkovski, d'où le titre du spectacle. Celui qu'elle ne connaît pas et qu'elle préfère ne pas connaître pour qu'il ne perde pas de son mystère va devenir le centre de sa vie, son obsession. A son écritoire, elle lui adresse des lettres pétries d'admiration.
C'est cette correspondance passionnée que Flora Thomas dans le rôle de la baronne va interpréter avec en contrepoint la musique du grand compositeur dont Anne Wischik, au piano, propose des morceaux emblématiques, comme la "Barcarolle", ou évidemment des extraits de "Casse-Noisette" et du "Lac des Cygnes". Anne Wischik qui, ici, n'apporte pas que son grand talent musical, mais qui a adapté la correspondance de la baronne et de Tchaïkovski.
Mise en scène nerveusement par Emmanuelle Bourgerol, Flora Thomas transforme son espace scénique en une forêt de papiers dispersés rageusement sur le sol. Car la passion musicale, pure et platonique de Nadejda pour Piotr se transforme au fil des ans en dépit amoureux.
Que son compositeur fétiche soit reconnu de tous n'est pas forcément une joie pour elle. En plus, il se tourne maintenant vers l'opéra et le ballet, genres que la baronne apprécie moins. Cerise sur le gâteau, le voilà désormais aidé très généreusement par le tsar...
Flora Thomas compose une baronne pleine de contradictions et d'emportements, une femme qui par son rang et ses quinze ans de plus que lui, ne peut qu'envisager une liaison spirituelle avec celui dont la musique l'envoûte. A ses côtés, le beau toucher pianistique d'Anne Wischik explique bien comment une femme sensible peut être emportée par la musique du compositeur russe.
Spectacle musical plein de charme, toujours en mouvement, parfois drôle et toujours riche en émotions, "Mon Tchaïkovski" se déguste plaisamment. Anne Wischik et Flora Thomas réussissent un bel exercice d'harmonie entre les mots et les notes. |