Comédie
dramatique de Jean Gillibert, mise en scène Cynthia Gava,
avec Maryvonne Schiltz, Karim Bouziane, Pierre Bourduge et Marc-Olivier
Sephiha.
Chaque année, à la Toussaint, Florence Sénéchal
vient visiter ses morts, son mari Anthelme et son fils Aurélien.
Elle obéit à ce triste cérémonial
dans la gaîté. Et pourtant...
C'est elle, l'empoisonneuse qui patiemment versait quelques
gouttes d'arsenic avec le verre de son mari. Aurélien
s'est défénestré alors qu'elle purgeait
sa peine de prison. Elle n'a pas de regrets. Elle est l'instrument
de la mort et n'a fait que les aider dans leur propre volonté
d'anéantissement.
La scène se place dans un cimetière, où
deux fossoyeurs, à la marge du monde des vivants, jouent
le ballet funèbre du procès. A la manière
du choeur antique, ils ressassent "le crime n'a pas de
pourquoi" et observent fascinés, incrédules
la belle Florence qui plie et chancelle sous le poids de ses
soixante ans. Les victimes, en rêve, réclament
justice et l'appellent à franchir l'autre rive.
La mise en scène de Cynthia Gava rend le texte obsédant,
hypnotique. On est à un degré de tension qui ne
faiblit pas. Cette obsession de la mort est un questionnement
de la condition humaine, de notre modernité qui évacue
les corps, qui refuse le pourrissement comme s'il s'agissait
de la dernière obscénité. La référence
à Rabelais ne vient pas là par hasard. "Poussières,
tu finiras poussières".
Le spectateur est placé au bord de la tombe, face au
crime. Absurdité de la dénonciation et absurdité
de la justification. "Le crime n'a pas de pourquoi".
Maryvonne Schiltz interprète de façon très
charnelle Florence Sénéchal, elle lui apporte
un éclat solaire puis mystique. Est-elle folle ? Est-elle
une mère dénaturée ? Est-elle victime plus
que criminelle ? Les questions restent en suspens, comme balayées
par la propre ignominie des guerres du vingtième siècle.
On ausculte nos propres peurs, on creuse plus avant le sens
de la vie et le rôle du corps. Nous saluons la performance
de ces acteurs investis, qui semblent comme s'approcher de la
folie.
"Le crime de Flo"
est un texte très fort, de Jean Gilibert, qui vous ébranle,
vous retourne. Un spectacle à vous couper le souffle. |