Comédie
dramatique de Spiro Scimone, mise en scène de Thierry
Lutz, avec Christian Abart et Christian Lucas.
Beau travail que celui de Thierry Lutz
et de la Compagnie Tam Tam Théâtre
pour la difficile partition à deux voix de "Nunzio"
de l'auteur sicilien Spiro Scimone,
que les amateurs de théâtre, qui l'ont vu "dans son jus", en
novembre 2008 dans son jus au Théâtre du Rond-Point, en version
originale, montée et interprété par l'auteur et son compagnon
de route Francesco Sframeli, apprécieront à sa juste valeur.
Thierry Lutz a effectué un excellent travail de mise en scène, c'est-à-dire invisible, qui ne se voit pas, sans effet, pour monter un texte qui pèse plus par ses silences, les inflexions des voix que par ses mots, des mots ordinaires, des mots de tous les jours que s'échangent deux hommes solitaires qui semblent abandonnés du destin, des autres, et peut-être d'eux-mêmes, et repose, et impose, le jeu incarné des comédiens.
Nunzio, âme innocente crache ses poumons dans une usine de peinture, rêve de plages édéniques où les femmes portent des monokinis. Pino, l'enfant blessé devenu un tueur sans état d'âme, a trouvé quelqu'un sur qui veiller qui lui rappelle un frère défunt.
Sur la petite scène de la salle Paradis du Théâtre Le Lucernaire, dont la proximité avec le public refuse tout droit à l'erreur aux comédiens, Christian Lucas, totalement lumineux et bouleversant dans le personnage du grand dadais innocent au coeur simple, et Christian Abart, véritable boule d'énergie maîtrisée qui fait penser à Bob Hoskins, restituent, sans verser dans le pittoresque ou le folklorique, le naturalisme brut et la poésie humaniste de ces minutes heureuses, "ces minutes heureuses qui sont au temps de la vie courante ce que les oasis sont au désert" comme l'écrit le poète Georges Haldas, que partagent les deux amis.
Très différents, ils se sont néanmoins trouvés, on ne sait comment et peu importe, chacun constituant un point d'ancrage pour l'autre, mais sans sentimentalisme ni effusion, pour partager une ritournelle, une assiette de pâtes et le fantasme des seins de Lola la bitumeuse. Rien d'autre que la vie. |