Comédie dramatique d'après une nouvelle d'Anton Tchekhov, mise en scène de Anne Bouvier, avec Gaëlle Merle et Jean-Pierre Bouvier.
La minuscule et mythique scène du Théâtre de la Huchette accueille depuis quelques semaines ce nouveau spectacle intitulé "La dame au petit chien" adapté de la nouvelle éponyme de Anton Tchekhov.
Sur les bords de la Mer noire, à Yalta, à l’époque de l’Empire russe, un banquier moscovite en goguette, las de sa vie confortable et sans goût, rencontre une femme mariée, sans amour, qui regarde le rivage. La passion les embrase mais la réalité les raisonne.
Chacun essaiera d’aller plus loin quand l’autre se résignera. L’espoir d’un lendemain rêvé les unira pourtant à jamais.
Le séducteur, c’est Jean-Pierre Bouvier, immense comédien, qui promettait, tout jeune homme, jusqu’à devenir LE "Chéri" de Colette, pour toujours, et qui, dans sa belle maturité, accomplit ses voeux et ses dons. Subtilité, force, charme total né du sentiment ressenti, Bouvier s’impose comme un des plus grands comédiens français de ce temps mais peut-être prononce t-il trop bien et trop clair ?
Face à lui, une beauté slave, mais avec du "chien" à la parisienne, Gaëlle Merle, délicate adultère d’anthologie, réservée et gourgandine, qui, elle aussi, fait partie du cercle étroit des très grands.
Beau couple qui offre des instants de sensualité et de passion vécus dans l’incarnation et la ferveur. Dans cet écrin étroit, ces deux amants reconstituent la chambre, même lorsqu’ils devisent à la terrasse d’un grand café ou dans les couloirs de l’Opéra. La sensualité jaillit des mots et de l’écoulement du temps qui leur est avaricieusement laissé.
Anne Bouvier assure la mise en scène, refusant les mesquineries et ladreries du minimalisme. Tout est offert dans ce spectacle : à l’oeil, à l’ouïe, à l’imaginaire. On regrettera un certain excès de musiques - peut-être pour couvrir les bruits de la rue que cette salle mal insonorisée laisse passer ? - lorsque l’émotion des mots et des situations suffit. Mais cette réserve énoncée, on demeure ébloui par tant de finesse, de qualité de sentiments et de beauté.
Spectacle du rare, théâtre de la vie qui ne déçoit que ceux qui n’ont pas l’âme pèlerine. Ce voyage amoureux ressemble à un rêve, avec, même, à sa traîne, la déception du réveil. |