Bien qu'ils soient passés plusieurs fois à Paris cette année, la Maroquinerie était noire de monde pour accueillir The Young Gods qui venaient à la fois présenter sur scène leur nouvel album Everybody Knows et fêter leurs vingt-cinq ans de carrière. Pourtant, la musique des Young Gods n'est pas forcément facile à aborder. C'est surtout et d'abord une musique difficile à classer. A l'heure où les disquaires comme les lecteurs mp3 ont besoin de mettre une étiquette sur les groupes et les albums, comment estampiller les Young Gods? En électro-indus, en rock, en indie, en ambient, en chanson française ?... D'autant que leur précédent album était acoustique, et qu'ils sont venus, l'année dernière, à l'invitation de la Cité de la Musique pour réinterpréter des chansons de Woodstock à leur manière.
L'avantage des Young Gods par rapport à d'autres groupes, leur secret pour durer, est d'oser explorer des pistes où on ne les attend pas, de surprendre son public tout en continuant à être intègres. C'est pour cela que leur public est mélangé. Ils embrassent beaucoup de genres musicaux, mais toujours avec honnêteté.
Mais, avant de goûter au plaisir des versions live des chansons du nouvel album des Gods, Evelinn Trouble, jeune artiste de Zürich, présentait son album à paraître prochainement. Seule en scène, sa guitare électrique grince et sa boîte à rythme claque sèchement. Les compositions sont dépouillées, sans fioritures. C'est sec et sexy. On fera par contre remarquer à la jeune demoiselle que "Nightclubbing", qu'elle reprend dans une version minimaliste, a certes été interprétée auparavant par Grace Jones, mais qu'il faudrait en rendre la paternité à David Bowie et Iggy Pop. Les influences très variées d'Evelinn Trouble nourrissent un style qui lui est propre, à ranger entre Suicide et Laurie Anderson, mais qui fait aussi parfois le grand écart entre Nirvana et Giorgio Moroder, un mélange excitant. C'est donc avec beaucoup de brio et de classe qu'elle ouvrait une soirée où les genres étaient appelés à se percuter dans un grand big bang sonique.
Les Young Gods jouent désormais à quatre, leur son s'est étoffé mais reste très tendu lors des concerts électriques. Pas vraiment du style à faire des concessions, les Gods continuent, concert après concert, à invoquer le tonnerre et la tempête. En ouverture, "Sirius Business" donne le ton avec ses samples de riffs acides de guitares. Sur "Tenter le grillage", le public commence à pogoter.
Le dernier album Everybody knows regorge de morceaux rapides et agressifs qui chauffent le public. "Mr. Sunshine", beaucoup plus doux, calme les ardeurs, et permet à Franz Treichler de montrer l'étendue de sa palette vocale en montant dans les aigües sur ce très beau morceau. Ensuite, avec "Miles away", le rythme s'accélère jusqu'à virer à la transe techno. En fin de concert, le groupe revient vers des morceaux plus anciens mais néanmoins récents parmi lesquels "I'm the Drug", "Freeze", "C'est quoi c'est ça" ou "Supersonic". "Skinflower" sera le morceau le plus ancien interprété ce soir pour les vingt-cinq ans du groupe.
Franz Treichler continue de vivre ses concerts comme si c'était le premier. Il saute, se balance d'un pied sur l'autre, va vers le public. Al Comet, derrière de petites lunettes, jette parfois un sourire à untel ou untel dans la fosse et des regards de complicité à Bernard Trontin derrière ses fûts. C'est lui, Bernard Trontin, qui donne leurs structures très aux morceaux. Malgré la puissance, c'est un batteur solide et d'une grande finesse, jouant des nuances, qui laisse une grande liberté à Al Comet aux claviers et à Vincent Hänni aux guitares.
Le son claquait mais était riche, enveloppant et net. Ce concert a démontré que les nouveaux morceaux de Everybody knows étaient taillés pour la scène et que, même après vingt-cinq années de carrière, les Young Gods étaient toujours aussi inspirés et modernes. |