Comédie dramatique de Eric Assous, mise en scène de Jean-Luc Moreau, avec Jean-Luc Moreau, Anne Loiret, José Paul et Anne-Sophie Germanaz.
Eric Assous est un auteur dramatique prolifique qui procède régulièrement à une livraison quasi bisannuelle de comédies dans son registre de prédilection, celui des relations familiales et de l'institution conjugale.
Avec "Les conjoints" qui s'inscrivent dans la veine de "L’illusion conjugale", qui lui a valu le Molière 2010 du meilleur auteur francophone, et la même pertinence d'observation incisive des caractères, il poursuit l'exploration des méandres labyrinthiques du couple dans une déclinaison différente qui s'articule néanmoins toujours autour de ses récurrents axiomes désenchantés que sont l'état instable du bonheur, quête illusoire toujours recommencée, l'usure du temps, l'infidélité et l'art et la nécessité de la composition qui du faux-semblant au mensonge en passant par l'hypocrisie régissent les rapports humains.
De plus, si Eric Assous adhère au principe selon lequel un ennemi se cache derrière un ami, il ne croit pas au dévoiement romantique de l'équation algébrique, pour lui un plus un égale toujours deux, et arrive inévitablement le moment où se rompt l'instable équilibre des vases communicants.
Si dans "L'illusion conjugale", brillant exercice stylistique sur l'infidélité à partir du trio classique pour lequel il usait d'une plume scarificatrice, dans la partie carrée des conjoints, certes toujours avec des dialogues au rasoir, il manie le scalpel qui attaque le derme. Et c'est dans un décor d'appartement d'un blanc clinique pour magazine de décoration conçu par Charlie Mangel que l'opération va se dérouler à coeur ouvert, sans assistance respiratoire et au corps défendant des protagonistes. Car l'intrigue n'y est plus portée par un jeu de société entre gens de bonne compagnie mais par les choses de la vie qui arrivent sans préavis.
Le catalyseur des implosions en chaîne qui s'ensuivent, et qui projettent lesdits conjoints sur ce qui ressemble au radeau de la Méduse des sentiments et le naufrage du confort d'une vie balisée, est l'argent. Celui d'un cuisiniste quinqua (Jean-Luc Moreau), doté d'un inattendu et confortable pécule gagné au loto, qui peut enfin s'offrir, dans tous les sens du terme, une nouvelle vie. Ce qui implique, en sus de quitter femme et enfants, l'oisiveté, le dernier modèle de Mercédès et une jolie et sexy nymphette (Anne-Sophie Germanaz) dont il pourrait être le père et qui se trouve être la secrétaire de l'acupuncteur de son meilleur ami.
Celui-ci, professeur de maths et homme insipide et timoré à qui on donnerait le bon Dieu sans confession (José Paul), est l'époux d'une pharmacienne psychorigide (Anne Loiret) qui prône le comportement vertueux en toute circonstance et pour qui, ramenant l'amour au plus petit dénominateur commun, le mariage est avant tout une construction intellectuelle et un engagement social.
La partition en forme d'impromptu, truffée de rebondissements qui dévoilent la face cachée et souvent inattendue de chacun, ses petites lâchetés, ses certitudes comme ses fragilités, est mise en scène avec acuité par Jean-Luc Moreau et le quatuor formé par les comédiens précités, judicieusement distribués, percutant pour parfaitement incarner des figures moins monolithiques que ne le laissent croire les apparences de leur personnage social. |