Texte d'Edouard Durand, mis en scène par Cécile Morel et interprété par Nacima Bekhtaoui, Cécile Morel, Isis Van Groeningen.
Le spectacle s'appelle 160 000 enfants. Il aurait mérité que soit ajouté un point d'exclamation après "enfants" car ce chiffre sidérant correspond au nombre d'enfants, parfois à peine ou pas du tout encore des enfants, qui sont victimes d'incestes et de violences sexuelles chaque année en France.
C'est le juge Edouard Durand qui a écrit le texte qui sert de base au travail de Cécile Morel, par ailleurs une des trois intervenantes sur scène. Elle a adapté le texte du juge, lui donne à l'aide de deux excellentes comédiennes, Nacima Bekthaoui et Isis Van Groeningen, la puissance de voix en colère devant de tels faits.
L'article du juge Durand est paru dans la collection "Tracts" de Gallimard et cela permet de qualifier la nature de ce qu'on va voir et entendre pendant presque une heure : du théâtre "Tract". Cécile Morel a envie de faire savoir. Certes, l'essentiel du public risque d'être des spectateurs citoyens déjà convaincus de la réalité sordide mais incontestable de ce qui est clamé dans "160 000 enfants". Peut-être les trois femmes, on le souhaite, réussiront-elles à amplifier le discours du juge Durand qui a dirigé la C.I.V.I.S.E (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants).
Quand on est déjà au stade où l'on est convaincu, vient le temps de se poser la question essentielle : "Que faire ?". Il est impossible d'entendre le trio aligner les récits, égrener les statistiques, répéter sans cesse qu'il y a urgence à agir et simplement, in fine, les applaudir.
Ce genre de théâtre coup de poing, variante active de ce "Théâtre documentaire" qui se contente de montrer et de démontrer des faits sur des sujets d'actualité, mérite d'être accompagné de débats et d'interventions, afin que toutes les bonnes volontés puissent être sollicitées. Ce sera aussi l'intérêt de "160 000" enfants d'éveiller des consciences. Il faut aussi dire clairement que la plupart des agresseurs, pour ne pas dire la presque totalité, appartient à la gente masculine. C'est donc aussi un combat féministe que suscite le texte du juge Durand et qui ne doit pas rester l'apanage du clan des victimes. Un pas majeur sera forcément franchi quand les hommes pourront eux aussi s'impliquer dans la démarche pionnière des trois femmes sur scène.
Leur spectacle ne fait que commencer, il est essentiel qu'il ait le retentissement qu'il mérite pour atteindre toutes les cibles qu'il vise avec ambition et courage. |