Spectacle
conçu et réalisé par Bruno Boussagol d'après
un texte de Nadège Prugnard, avec Jean-Louis Debard,
Pierre-Marius Court et Bruno Boussagol.
Programmée dans le cadre des Rencontres de la Villette
2009, la Compagnie clermontoise Brut de
Béton propose avec "Women,
68 même pas mort" un spectacle étonnant
et détonnant, totalement indispensable.
"Women" c'est au secours ! les pétroleuses,
"les mémés rouges" comme les qualifient
Bruno Boussagol, qui sont de retour. Mai 68 même pas mort
pour ceux, en l'occurrence celles, qui l'ont connu, vécu,
fait, et qui en appellent au réveil des consciences.
Mai 68, 40 ans déjà, mollement commémoré
l'an passé, appartient déjà quasiment à
la préhistoire ou, au mieux, relève des souvenirs
d'anciens combattants évoqués dans les maisons
de retraite.
Simone, Marie-France et Mathilde n'ont pas dit leur dernier
mot. Car Mai 68 c'est aussi la révolution des femmes
qui ont chambardé la condition féminine. Cela
fait belle lurette que ces triplettes ont jeté leur
petite culotte aux orties. Que de chemin parcouru mais également,
comme elles le clament aujourd'hui, combien de causes subsistent
pour brûler leur soutien-gorge.
Il y a Simone, fan de Janis Joplin, vêtue grunge variante
veuve calabraise avec son bandana qui veille sur sa coiffure
façon Bardot rousse bouclée, qui glapit qu'elle
veut mourir au volant de sa Simca 1000 lancée à
tout berzingue pour avoir été abandonnée
enceinte jusqu'aux yeux par un étudiant mou du genou
qui l'a giflée en plein amphi alors qu'elle menaçait
de se suicider avec un couteau à gruyère.
Il y a Marie-Claire, crâne rasé, converse, attifée
goth rock la badly girl qui chante Zappa à la folie,
qui a conservé le tic du lanceur de pavé et scande
"rock the systme fuck", qui buvait à petites
gorgées du thé coupé avec du LSD, la libertaire
qui refuse de se taire et apostrophe les hommes qui se prénomment
tous Michel, qui n'ont rien compris à rien pas plus hier
qu'aujourdhui, éructe sur la culture sous sédatif et vomit les politiques narkosyens.
Et puis il y a Mathilde au look de mamie anglaise à
la tête auréolée d'une mousse de cheveux
blancs qui s'en foutait, qui hurlait qu'elle était un
poussin mort, qui cherche un beau mâle à la façon
de Jeanne moreau chantant "Où vas-tu Mathilda ?",
dont le corps a exulté par l'ouverture de ses chakras
et la pratique derma-anale.
Après une enquête auprès des véritables
protagonistes, Nadège Prugnard a écrit un texte
contemporain décapant, corrosif, jubilatoire, déflagratoire,
à la forme atypique qui mêle cris, profération,
chant, scansion slamée, une écriture viscérale,
percutante et percussive qui transcende et transporte, qui met
en lumière le parcours commun de trois femmes anonymes
au passé différent qui se sont rencontrées
le 13 mai 68 sur la place des Carmes à Clermont Ferrand.
Eh oui Mai 68 ce n'était pas que les barricades du quartier
latin.
A partir de ce texte explosif, Bruno Boussagol a conçu
un spectacle agit-prop flamboyant et roboratif avec quelques
moments nostalgiques à faire fondre en écoutant
Procul Harum et Leonard cohen, porté par trois comédiens
Jean-Louis Debard (Marie-France), Pierre-Marius Court (Mathilde)
et lui-même dans le rôle de Simone, qui réalisent
une performance époustouflante.
Une vraie cure de jouvence. Et si les mamies étaient
l'avenir de l'homme ? |