Biopic dramatique écrit et mis en scène par Cliff Paillé, avec Romain Arnaud-Kneisky, Swann Starosta et Alexandre Cattez.
Histoire de la genèse d’un film, "Le Dictateur", qui marquera son temps tout autant que de la fin d’un personnage qui n’a plus sa place dans son époque ni dans la vie de son créateur, "Chaplin, 1939" se veut être un coup de projecteur sur l’année qui représentera un tournant dans la vie de l’artiste.
Imaginé en trois temps par Cliff Paillé, "Chaplin, 1939" est une succession de trois confrontations avec des personnages phares de la vie de l’homme et qui nous amènent chacun un éclairage différent sur le frère, l’artiste, le militant, le mari, l’enfant qu’a pu être Charles Spencer Chaplin.
On y découvre par petites touches bien dosées, une histoire personnelle douloureuse, un homme aux convictions tranchées et qui refuse d’être un simple divertissement pour les masses, un génie torturé bourreau de travail et de contrôle, un séducteur compulsif, un homme attirant mais agaçant, un mari et un père absent…
Charlot amuse, Chaplin dérange. Il dénonce les travers de son époque avec une irrévérence qui ne lui crée pas que des amis. Accusé de communisme par certains, d’être juif par d’autres, Chaplin, visionnaire, est le premier à comprendre les dangers du nazisme et à entrevoir les possibles conséquences de sa brutale folie.
"Et en plus, il m’a volé ma moustache !" tempête Charles. Alors s’est décidé, cette fois, il va se payer Hitler. Mais la parole et la couleur qui sont en train de conquérir le public changent la donne, et des similitudes troublantes entre les deux hommes que Charlie ne va pas tarder à découvrir vont petit à petit faire voler en éclat certitudes et constructions intérieures, jusqu’à la conclusion finale, inévitable.
Cliff Paillé signe avec Chaplin 1939 un scénario d’une grande intelligence, à la fois nuancé et puissant, qui se base sur la sincéritéIl prend le parti d’une scénographie et d’une mise en scène épurée, au service de son texte, pour éviter l’écueil du type documentaire et centrer l’attention sur ses comédiens. Le plateau est donc sobre, une table de travail, une machine à écrire, un fauteuil, peu d’effet d’éclairage et très peu d’effets de manche, à peine une archive sonore d’un discours du Führer, un court passage facétieux pensé comme un clin d’œil au cinéma muet et quelques images projetées du film "Le Dictateur".
Pour la direction d’acteur Cliff Paillé se permet plus de fantaisie en cherchant à exacerber les réactions et les gestuelles, dans l’optique de rendre par le jeu l’esprit d’un genre où tout passe par le corps.
Pourtant ce sont bien les mots qui touchent dans ce spectacle. Romain Arnaud-Kneisky incarne un Charlie d’une sensibilité à fleur de peau, face à la véhémence blessée d’une Swan Starosta dans le rôle de Paulette Goddard, la seconde femme de l’acteur. L’interprétation bonhomme et pourtant émouvante d’Alexandre Cattez en tant que Sidney Chaplin, le frère et éternel protecteur de Charles, est particulièrement juste. Ecriture ciselée et force des émotions sont indéniablement les deux points fort de cette création qui permet en outre de mettre en lumière les complexités d’un homme qui gagne à être connu au-delà de son personnage.
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